La poésie a toujours tenu une place particulière dans la culture et la vie de tous les jours en Afghanistan.

Le livre des Rois de Ferdowsi, Le Jardin des roses de Saadi, le Divân de Hafez, les quatrains d’Omar Khayâm, La Conférence des oiseaux d’Attaret et bien d’autres œuvres marquantes de la poésie persane étaient associées à tous les moments de la vie. Dire aux amis des vers de ses poètes préférés était un plaisir sans cesse renouvelé, particulièrement à Herat, la ville natale du grand poète soufi Ansari. Cet amour des Afghans pour la poésie traduisait une certaine façon de sentir le monde qui était l’esprit même d’un peuple.
Riche d’une tradition orale séculaire, la poésie pachtoune s’est développée au XXè siècle, grâce notamment au plus grand poète afghan contemporain, Sayed Bahodine Majrouh, dont l’œuvre maîtresse, Le Voyageur de Minuit est disponible dans une excellente traduction. C’est lui également qui nous a fait connaître les "landays", courts poèmes oraux généralement écrits par des femmes, véritables cris de rébellion contre l’oppression, qui chantent la guerre, l’exil, la souffrance, l’amour.

Tout cela c’est fini en tout cas pour les femmes ! Ainsi en a décidé le pouvoir des talibans  dans une nouvelle loi de règles morales pour «promouvoir la vertu et prévenir le vice», interdisant aux femmes de chanter et de réciter de la poésie en public. Elles n’ont pas le droit non plus de s’exprimer en public ou de regarder les hommes.

On pouvait penser que l’obscurantisme des talibans envers les femmes avait touché le fond. Et pourtant, ils creusent encore : “Les femmes n’auront désormais plus le droit de parler en dehors de chez elles”,

Cette nouvelle liste officialisée des infractions à la “morale talibane” provoque le vertige et donne la nausée. “Les voix des femmes sont considérées comme des instruments potentiels du vice et ne pourront donc pas être entendues en public”, détaille Rukshana Media à propos de l’article 13 de cette loi qui précise que “Les femmes ne doivent pas non plus être entendues chanter ou lire à voix haute, même de l’intérieur de leur maison.”

La prochaine étape c’est de leur couper la langue ?

Le texte “affine” aussi l’obligation, “à chaque fois qu’une femme quitte son domicile par nécessité, de dissimuler son visage et son corps” qui rajoute : “Les vêtements ne doivent pas être trop fins, trop serrés ou trop courts” pour qu’elle “ne soit pas tentée” et “ne tente pas les autres”, D’ailleurs, les femmes n’ont même plus le droit de regarder directement les hommes avec lesquels elles n’ont aucun lien de sang ou de mariage.

Ces dispositions extrêmement nébuleuses et arbitraires ont poussé les Nations Unies à réagir. “Les inspecteurs des mœurs disposent de pouvoirs discrétionnaires pour menacer et arrêter quiconque sur la base de listes d’infractions longues et parfois vagues. C’est une vision inquiétante de l’avenir de l’Afghanistan.

Ce langage très mesuré de la représentante de l’ONU a tout de même entraîné une réponse des talibans qui dépasse encore un peu plus l’entendement, Le porte-parole adjoint du gouvernement s’y veut rassurant :  “Je dois préciser que ces règles seront mises en œuvre de manière très douce, en éclairant la compréhension des gens et en les guidant.” C’est quoi la douceur talibane ?

Pour finir ces vers de Djalâl-od-Dîn Rûmî  qui parlent au cœur de tous les Afghans :

Pitié pour le cœur qui n’a reçu le moindre signe de Toi !
Mort, le corps sans le message de l’âme.
Stérile, la parole d’amour étrangère à la souffrance.
Seul écoute le cœur et seul parle le verbe.

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