2015, le milliardaire Vincent Bolloré prend définitivement le contrôle du groupe Canal +, il avait auparavant pris le contrôle de Vivendi. C’est la première chaîne d’information possédée par un milliardaire en France, il va rapidement la mettre au service de l’extrême droite.

En récupérant Canal +, Bolloré récupère au passage I-Télé, la chaîne d’information du groupe. Il place très vite à sa tête un de ses fidèles, Serge Nedjar, qui a participé au milieu des années 2000 au lancement de Direct 8 (qui est devenu C8) et du journal papier Direct matin (rebaptisé Cnews matin il disparaît en 2021).

Dans l’organigramme Bolloré, Nedjar, cumule tous les postes il est directeur de la chaîne et directeur de la rédaction.

Fin 2016, la quasi-totalité de la rédaction se met en grève. Après un mois d’une grève historique, la direction ne cède sur rien.

La rédaction d’I-Télé est exsangue, une centaine de journaliste, soit la quasi-totalité des effectifs quitte la chaîne. Elle prend le nom de Cnews en février 2017.

Les premières années de Cnews sont poussives, mais l’ordre nouveau se met progressivement en place : le terme « violences policières » est proscrit à l’antenne, certains reportages aussi.

Au moment où éclate l’affaire de l’emploi fictif de Pénélope Fillon, Nedjar, interdit à ses journalistes d’en parler à l’antenne, au nom de « la présomption d’innocence ».

Au fil des ans, les sujets que la chaîne refuse de traiter s’accumulent (les affaires de Bolloré en Afrique, les affaires de mœurs de Morandini, le grave accident provoqué par le fils alcoolisé de Zemmour).

Les accusations d’agressions sexuelles concernant Patrick Poivre-d ’Arvor sont invisibilisées à l’écran.

Au fil des mois la chaîne passe d’une ligne éditoriale de droite autoritaire à une ligne éditoriale d’extrême droite.

Le grand virage identitaire s’incarne dans la figure d’Éric Zemmour. Au mois d’octobre 2019, l’émission « face à l’info » est lancée. Elle permet chaque soir à l’éditorialiste du « Figaro magazine » de dérouler pendant une heure son argumentaire sans contradiction.

Les audiences grimpent en flèche, Zemmour devient la poule aux œufs d’or de Cnews, il est vite intouchable.

Il signe officiellement la fin de l’information au profit de l’opinion.

Lorsque Zemmour à l’automne 2021 va entrer en campagne présidentielle, Nedjar, se voit contraint de déprogrammer son ballon d’or. Dans une messagerie interne à la chaîne il écrit : « C’est malheureux, mais on ne peut pas prendre du E. Zemmour et du Reconquête. Merci au CSA d’influer sur notre ligne éditoriale. ».

Début 2022, le modèle économique de Cnews est trouvé : des débats à longueur d’antenne (moins cher à produire que les reportages), des invités-es à droite toute aux opinions bien tranchées qui parlent de tout et qui parlent de rien.

Dans cette télévision du direct sans aucun filtre, les éditorialistes d’extrême droite ont micro ouvert. Ils occupent les plateaux jusqu’à dix fois par semaine sans connaître le sujet débattu.

Ce café du commerce non-stop plaît à ceux qui ne vont plus au café mais qui boivent les paroles des stars de la chaîne.

L’alchimie « les populistes parlent aux populistes est mise en place ».

Parallèlement au modèle idéologique il y a le modèle économique. Les reporters de Cnews sont cameraman, rédacteur et monteur, une triple qualification qui limite les coûts, il n’y a pas de petits profits.

Ces deux dernières années plusieurs journalistes ont été recrutés à L’ISSEP, l’école lyonnaise fondée par Marion Maréchal Le Pen.

Comme Bahia Carla Stendhal, influenceuse d’extrême-droite, soutien d’Éric Zemmour et récente recrue de Cyril Hannouna, le week-end, sur C8.

D’autres débauchés de « Valeurs actuelles » à « L’incorrect » bouclent le « grand remplacement » de cette ex-chaîne d’information devenue chaîne d’opinion pour le compte de l’extrême droite et de son patron milliardaire.

Dans les dernières semaines de la campagne électorale des législatives, l'empire de Bolloré est passé de chaîne d'opinion à chaîne de propagande. Nous attendons avec impatience les sanctions de l'Arcom.

Ils ont les milliardaires nous n’avons que vous ! Participez à notre campagne de soutien financier pour la refonte du site En vie A Béziers.

Les renseignements cités dans cet article sont issus d’un dossier de « Mediapart » consultable sur ce site.