Au moment où la famille bourgeoise se formalise et se propage, les clubs privés masculins naissent dans l’Angleterre victorienne du 19e siècle.
Des pères de famille aisés ou nobles y inventent une deuxième maison : les clubs privés masculins. Dans ces lieux ils peuvent presque tout faire : échanger entre eux bien sûr, mais aussi recevoir du courrier, dormir, manger.
Très vite le relationnel qui se pratique dans ces clubs devient un second pouvoir, une voie parallèle à la démocratie.
De nos jours les clubs privés masculins qui sont nés en Angleterre existent sous des formes diverses et variées dans le monde entier. On y développe ses réseaux et on prend des décisions qui concernent l’ensemble de la population sans que celle-ci y soit représentée.
Cette notion de réseaux entre hommes a des variantes politiques, financières, économiques, financières, culturelles, sportives. À ma connaissance, il n’existe pas la même densité de clubs privés féminins, un même réseau d’influence.
Fort heureusement, ces différentes variantes ne cultivent pas toutes les mêmes liens, à côté des francs-maçons nous pouvons retrouver des adeptes de la pétanque ou du tiercé.
À l’écart des influenceurs et des turfistes, l’affaire dite des ‘’viols de Mazan’’ vient nous dire autre chose. Il existe une variante blanche, suprémaciste, rurale, pornographique et perverse.
Les hommes inculpés au procès de Mazan ne violent pas une femme ensemble comme dans les tournantes. C’est l’un après l’autre, un à la fois, mais ça reste un viol collectif.
À Mazan, un club privé masculin s’est construit autour d’une figure de proxénète : Dominique Pelicot.
Dans un rôle de chef d’orchestre pervers, Dominique Pelicot a mis en musique la part d’homoérotisme qui existait chez chacun des accusés.
Si le chef d’orchestre n’avait pas été arrêté en train de filmer sous les jupes des petites filles, le club privé de Mazan continuerait d’exister et de sévir.
Sans l’intrusion du réel de la loi, les 50 violeurs auraient sûrement continué de violer. Ils avaient fondé entre eux une communauté qui se donnait le droit d’agir sur un corps non consentant avec la certitude de n’être jamais appréhendés.
Comme si l’appartenance à la communauté était plus forte que l’appartenance à la société.
Du communautarisme des viols de Mazan, l’extrême droite n’en parle pas.
Soudainement, les « défenseurs » de la jeune femme blanche violée par les immigrés deviennent taiseux.
Ils ne soutiennent pas la grand-mère blanche abusée pendant dix ans par 50 autres blancs.
Ce n’est pas qu’une question d’âge, c’est une question politique.
Dans leur imaginaire, le violeur est étranger. Le viol en famille, en communauté, est nié parce qu’il suppose une appartenance de la victime à la communauté.
Il faut entendre à ce sujet la défense des violeurs de Mazan : « Je croyais qu’elle était consentante », « Je ne savais pas qu’elle était endormie, droguée ».
Cette défense est du même niveau que celle des petites frappes de banlieue qui piègent les femmes dans les tournantes : « Elle était avec nous dans la cave », « faut voir comment elle était habillée ».
Si l’extrême droite viriliste ne dit rien sur Mazan, c’est parce que la base de son organisation paramilitaire et politique reste les clubs privés masculins.
Dans ces clubs-là, elle cultive les notions de force, de violence, de passage à l’acte, comme les gangs de banlieue qu’elle exècre.
Face aux violeurs de Mazan, aux imposteurs de l’extrême droite, aux gangs de banlieue, il n’y a qu’une seule chose à dire.
Le viol n’a pas de couleur, de race, de sexe, de milieu social, le viol reste un viol, c’est un crime.