Le 3 juin 1875, voilà exactement 149 ans, Georges Bizet meurt subitement suite à un refroidissement après un bain dans la Seine, à Bougival. Il a 37 ans !

Trois mois plus tôt, les Parisiens assistent à la première représentation de son opéra Carmen, d'après une nouvelle éponyme de Prosper Mérimée. Le compositeur reçoit le jour même la légion d'honneur.

Carmen va devenir l'opéra le plus populaire du monde et valoir à Georges Bizet une éternelle renommée

Georges Bizet voit le jour à Paris le 25 octobre 1838. La musique était reine au foyer de son oncle François Desarte, personnage extravagant, chanteur sans voix mais professeur célèbre dans l'Europe entière.

Bizet a des dons exceptionnels. Pianiste virtuose dès l'enfance par les soins de sa mère, il est admis au Conservatoire à 10 ans, avant l'âge requis. Il y fait brillamment toutes ces classes jusqu'au prix de Rome qu'il remporte à 18 ans .

Cette précocité s'était déjà confirmé  avec la Symphonie en Ut écrite à 17 ans et jugée inavouable par son auteur lui-même. Pourtant elle contient une longue phase de hautbois où se montre clairement la générosité d'une invention mélodique dont il devait donner par la suite des exemples fameux.

Après une période dominée par des activités pianistiques  souvent alimentaires , il compose un premier opéra, Les pêcheurs de perles en 1863. Accueil assez médiocre pour cette œuvre qui deviendra pourtant très populaire. Suivront différentes œuvres sans davantage de succès. C'est 1871 qu'il compose une suite de douze pièces pour piano à quatre mains, Jeux d'enfant . Son langage s'est simplifié, laissant couler librement sa veine mélodique. Ce raffinement harmonique trouve son épanouissement dans la musique de scène pour la pièce d'Alphonse Daudet, l'Arlésienne en 1872. Encore un échec.

Bizet va consacrer toutes ses forces à la composition de Carmen d'après la nouvelle de Prosper Mérimée. Carmen va devenir l'opéra le plus populaire du monde et valoir à Georges Bizet une éternelle renommée.

Le 3 mars 1875, les Parisiens assistent à la première représentation. .L'ouvrage est mal accueilli à l'Opéra Comique où la critique juge l'intrigue décevante et vulgaire. Il est  vrai que l'histoire a de quoi surprendre tant elle s'écarte des conventions de l'époque avec cette antithèse d'héroïne et cette fin tragique . Mais la véritable nouveauté de Carmen réside surtout dans la vérité des personnages, l'expression de leurs sentiments, le sens de la couleur et du mouvement .

 Les circonstances de la mort de Bizet à Bougival ce 3 juin 1875 restent obscures : trois mois après la première de Carmen, dans la nuit de la 33ème représentation, il succombe à une crise cardiaque suite à un refroidissement après un bain dans la Seine, à Bougival. Il n'a que 37 ans !

 Saint Saëns est à l'origine de la légende selon laquelle Bizet se serait laissé mourir croyant à l'échec de Carmen. mais c'est faire abstraction d'une santé délicate du compositeur  et de l'attitude du public qui était plus ouvert que la critique

Après sa mort il y eut encore trois représentations de Carmen à Paris. C'est à l'opéra de Vienne où Brahms vient le voir et l'entendre 20 fois de suite que le chef d'œuvre de Bizet reprend son envol ! Et c'est à Vienne également que Wagner le découvre et l'admire sans réserves.

Nietzsche apprécie lui-aussi la musique de Bizet  car dit-il "elle fait confiance à l'auditeur en le rendant intelligent"

La gloire posthume qu'a connue Bizet avec Carmen a fait de lui un de ces innombrables créateurs dont l'histoire n'a  retenu qu'une œuvre, injustice flagrante si l'on considère l'importance de Bizet dans l'histoire de la musique française et la valeur indéniable de ses autres œuvres. Il s'est imposé dans l'univers alors bien terne de la musique française  qui cherchait un nouveau souffle après le passage dévastateur de Berlioz. A cet égard Bizet constitue le maillon indispensable qui mène à Debussy. A une époque où la musique française se complaisait dans une médiocrité facile, il est à l'origine d'un renouveau dont les retombées dépasseront largement le strict domaine lyrique.

C'est encore à Nietzsche que nous emprunterons la conclusion de cette chronique. L'instinct de Bizet pour l'accent dramatique qui porte en une formule ramassée et percutante , éclate dans chaque oeuvre notamment dans le duo final de Carmen. Ce qui fera dire à Nietsche : Je ne connais aucun cas où l'esprit tragique  qui est l'essence de l'amour s'exprime avec une semblable âpreté et revêt une forme aussi terrible !

Nietsche, lui, verra son Ainsi parlait Zarathoustra mis en musique par Richard Strauss et devenir le générique du film 2001 Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick...

... mais c'est une autre histoire !