Le 9 septembre 1901, voilà exactement 123 ans, disparaît Henri de Toulouse-Lautrec au château de Malormé en Gironde. Il n'a que 37 ans !

Né à Albi le 24 novembre 1864 dans l'hôtel familial du Bosc Henri, Marie-Raymond de Toulouse-Lautrec-Montfa est le  fils du comte de Toulouse-Lautrec et de sa cousine la comtesse Adèle Tapié de Céleyran. Il porte donc un des plus grands noms de France. Vieille noblesse occitane qui remonte aux comtes de Toulouse, héros des guerres cathares.

Victime des liens consanguins de son illustre lignée, il est atteint d'une maladie génétique qui fragilise ses os.

Deux accidents, à quelques mois de distance en 1878, font de ce fils bien né, un nabot ! Après une première fracture à une jambe, Lautrec se brise l'autre jambe à cause de fractures spontanées qui empêchent ses membres inférieurs de se développer. ll en reste infirme. Son sort est dès lors tracé : celui d'un marginal, sinon d'un monstre !. Les jambes sont raccourcies, torses, atrophiées.. Son tronc est d'une taille normale mais sa tête, semble démesurée avec des lèvres et un nez épais. Il bavait et zézayait en parlant. Cet homme plus qu'aucun autre a pris conscience de ce que peut devenir un destin absurde quand plus rien ne l'arrête.

Pendant ses longues convalescences, il cultive son goût pour le dessin et la peinture et va s'y consacrer entièrement. Cette vocation, d'emblée, brûle les étapes.

Il arrête ses études.  En 1882, il s'installe à Paris avec l'intention de faire son apprentissage en commençant par l'école des Beaux-Arts.

Il s'oriente vers l'atelier du peintre académique Léon Bonnat sur la butte Montmartre, au nord de Paris, au cœur de la vie nocturne.  Mais assez vite, il s'affranchit de plus en plus de l'académisme et  abandonne les sujets chevalins et bucoliques.

Il découvre le groupe de Pont-Aven et, avec Van Gogh, les impressionnistes, Dega, Gauguin ! et puis les estampes japonaises.

Il loue un atelier dans ce Montmartre qui devient désormais sa patrie. Il est chez lui au cirque Fernando, au Moulin de la Galette, au Moulin Rouge, dans les cabarets, le Mirliton par exemple où règne Aristide Bruand, les bals, les buvettes populaires. Etourdissant de cocasserie, brûlé d'alcool, il vagabonde à travers la nuit, à l'aide de son petit bout de canne et de son crochet à bottine en compagnie de ses amis !

Lautrec est un génie urbain. Il ignore l'air et la lumière de la nature et les problèmes que les éléments ont posé à ses prédécesseurs, ses amis, les impressionnistes. Dans la ville, A Paris, on y est presque exclusivement sensible aux êtres humains. La rue n'est pas une atmosphère, ni un site ou décor mais le lieu où des êtres humains se manifestent par leur geste, leur physionomie, leur habillement. Mais de cette ville, il n'en connaît qu'un fragment dans lequel toute vie se réduit aux artifices du spectacle et du plaisir et se concentre dans la nuit.
Adonné à la boisson, il dessine et peint comme un forcené les modèles rencontrés dans les cabarets et les bordels de Montmartre, témoignant d'une grande sensibilité pour le petit peuple de la nuit.

Dessin, peintures, lithographies mais affiches publicitaires aussi avec en particulier, celle du  Moulin-Rouge avec La Goulue dès 1891 qui le rend célèbre. . Pour son amie Jane Avril, danseuse dans le quadrille du french cancan ou encore pour Aristide Bruand.

L'art de Lautrec s'est donc formé à l'imitation d'une réalité entièrement transmuée en spectacle. Il touchera le fond lorsque son caprice consistera à prendre carrément pension dans les maisons closes, d'y vivre dans l'intimité des femmes tombées au plus bas degré de l'aventure féminine et auxquelles il réserve les secrets de sa gentillesse, de sa fraternelle attention à toute infortune et en somme de son culte de la femme laquelle sous quelque aspect que le destin l'oblige à se présenter  reste toujours la plus merveilleuse des créatures.
Travailleur acharné, il consacre à son art toutes les forces de ce qu'il avait de vie. Il a usé de toutes les techniques et vers la fin de sa vie de la pointe sèche, cette technique qui permet de graver des traits dans le métal grâce à un outil généralement en tungstène bien faite pour son esprit de synthèse et son japonisme.

L'alcoolisme conjugué à la syphilis vont avoir raison de sa santé. Crise de fureur et de délire  se succèdent. Il est interné à la demande de sa famille en 1899 dans une maison de santé à Neuilly. Au cours même de son traitement, il revient à son cher passé et compose de mémoire une éblouissante suite de dessins aux crayons de couleur, Le Cirque. Dès sa sortie, il travaille encore et encore, se partage entre Bordeaux et Paris, recherche la mer. La paralysie le saisit. On le transporte au château de Malormé auprès de sa mère. Il meurt ce 9 septembre 1901, il a 37 ans !

Toulouse-Lautrec, c'est une vie. Une vie singulière entièrement commandée par un évènement initial, accidentel, aux conséquences effroyables.

Si, en tant qu'artiste, il doit être considéré comme une des sources de ce qu'on appellera l'expressionnisme, c'est que son drame personnel a fait naître en lui un besoin d'expression d'une violence extrême qui constitue son art et son style.

A sa mort, sa mère, la comtesse Adèle de Célayran, qui ne l'a jamais abandonné, même si la vocation d'artiste de Lautrec a surpris un peu sa famille, propose ses œuvres aux musées parisiens mais ceux-ci rejettent l'offre et s'en tiennent à quelques œuvres de jeunesse.

Sa ville natale d'Albi se montre plus réceptive. Ses édiles décident de consacrer le palais de la Berbie à leur enfant prodige et le musée Toulouse-Lautrec est inauguré en 1922. C'est ainsi que le palais des austères archevêques offre aujourd'hui à notre regard la plus belle collection qui soit de Toulouse-Lautrec, avec des prostituées en veux-tu en voilà !...

Cette même année 1901, Paul Gauguin, fatigué et malade, décide de partir aux les îles marquises où il décèdera deux ans plus tard !

mais c'est une autre histoire !

 

 

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