Le rideau est tombé sur l'épisode 1 de cette deuxième saison de la série « Le Seigneur des Agneaux ». Il a duré 19 mois. Le deuxième épisode est déjà à l'affiche. C'est la même pièce, du même auteur avec le même metteur en scène, la même troupe avec quelques changements dans le casting.
Un nouvel acteur pour jouer le rôle principal, c'est à dire le rôle du domestique du « Seigneur ». Ce nouveau chef de troupe apportera vraisemblablement de petites modifications sur le ton, la voix, le maquillage ou les costumes, mais on connaît le scénario, l'intrigue et la finalité, rien n'a changé et ne peut changer, le Seigneur reste le maître des Horloges et le grand ordonnateur de ce spectacle.
Le reste du casting a quelquefois étonné mais reste dans cette traditionnelle poussée à droite que l'on constate partout dans le monde.
Tout se joue sur la même scène de la fameuse « Comédie Française » à Paris. Les spectateurs de l'épisode 1 sont restés sur place, ils n'avaient, en majorité, pas fait ce choix de l'affiche et ont plusieurs fois manifesté leur désaccord sans faire plier le directeur du théâtre. Comme cette série est diffusée en direct complet dans tous les journaux, dans tous les médias, dans tous les réseaux, les connecté.e.s, les abonné.e.s avaient eux-aussi d'autres idées de programmation quelquefois contradictoires mais, lassé.e.s de revoir toujours le même programme, toutes et tous réclament un changement de répertoire, de metteur en scène et de la troupe qui joue dans un feuilleton qui déplaît à la majorité des français. On a frisé d'ailleurs dans la salle la bataille d'Hernani de Victor Hugo en 1830 avec son lot d'insultes et de menaces !
Car ce spectacle est désolant et pas du tout ce qui avait été promis. Du coup, le seigneur lui-même est venu défendre ses choix dans un grand show télévisé pour convaincre encore une fois de sa bonne volonté d'offrir un spectacle de qualité et conforme aux valeurs universelles qu'il prétend défendre. Une façon d'imposer sa parole et sa volonté de rester maître de l’agenda médiatique.
Son « rendez-vous avec la nation » pour (je cite) « redonner une espérance, un goût de l’avenir » a consisté à s'auto satisfaire du travail accompli, s'auto congratuler de son action personnelle, s'auto persuader que son cap est le bon, s'auto désigner meilleur rempart contre l'extrême droite,
Mon œil ! semble dire la majorité des spectateurs, tu ne nous referas pas le coup du barrage républicain ou du "en même temps" . On sait comment se termine ce type de spectacle. Notre "Seigneur des Agneaux", seigneur de l'ordre désormais, occupe le "Trône de l'enfer", un enfer qu'il rend possible, qu'il construit et entretient, un enfer pour une population qui a froid et qui a faim avec des Françaises et des Français, de plus en plus nombreux, qui dépendent de l’aide alimentaire, qui vivent dans la rue, sans avenir et sans perspectives, une population qui ne voit pas le bout de ce putain de tunnel dans lequel on l'a enfermée !
Il est bon de rappeler quand même le pitch, comme on dit, de cette pièce mélodramatique et tragi-comique. C'est un peu toujours la même histoire qui se répète, décennies après décennies. Dans sa version actuelle, les conflits se tendent, les débats s'appauvrissent en se cantonnant soit à l'immigration soit à la sécurité. On revendique l'ordre, l'autorité et la France éternelle qui doit rester la France, un slogan qui dégage une drôle d'odeur d'extrême droite et de repli sur soi. Et comme de bien entendu, on stigmatise, on montre du doigt les responsables d'une situation sociale dramatique patiemment construite et voulue, pierre après pierre, par un système hors sol qui se permet d'accuser les moins pauvres d'être responsables de la pauvreté, les étrangers de l'insécurité, alors que ceux qui perpétuent ce système ne cachent même plus leur inimaginable enrichissement.
On connaît ce scénario. L'auteur, paternaliste, caméléon et ventriloque, ne fait que perpétuer une vieille tradition sous couvert de démocratie et de république. Voilà revenu le temps des seigneurs et de la féodalité, le temps du servage et de l'esclavage moderne, le temps de la privation des libertés publiques. Et le temps de la révolte des agneaux, c'est quand ?
Il n'y aura pas de saison 3, ce n'est pas dans le contrat. Mais peut-être est-il encore temps de commencer à écrire cette nouvelle saison ou bien imaginer rapidement d'autres épisodes de la saison en cours. Une écriture qui devra être forcément plus collective, plus sociale, plus écologique, plus humaniste, plus fraternelle pour redonner effectivement (je cite à nouveau) « une espérance, un goût de l’avenir »
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