Le concept « Fâchés, pas fachos » a longtemps été de mise à gauche pour qualifier une partie de l’électorat du RN. On peut se demander s’il est toujours de circonstance.

Qualifier une partie de l’électorat RN de « Fâchés, pas fachos », avait une fonction politique : indiquer qu’une partie de leur colère pouvait ressembler à la nôtre.

Cette fonction est datée, elle est liée à la prise du parti par Marine Le Pen et à l’affichage de mesures sociales dans son programme.

La fille du père en avait besoin dans sa stratégie d’élargissement de la base électorale du parti. En a-t-elle encore besoin aujourd’hui ? rien n’est moins sûr !

Selon une note de Jean-Daniel Lévy pour la fondation Jean Jaurès, l’analyse du vote RN lors des dernières législatives montre une adhésion au programme classique de l’extrême droite sur l’immigration et la sécurité.

Le parti lepéniste est celui dont l’électorat affirme le plus (48%) avoir voté par adhésion et le moins (7%) par opposition.

Selon lui, la séquence électorale confirme qu’il n’est plus question depuis de nombreuses années, de parler de vote sanction.

Les électeurs du RN sont ceux qui indiquent le plus le souhait que le candidat pour lequel ils ont voté soit présent au second tour, que le RN réalise le score le plus important possible, qu’il dispose de la majorité absolue à l’Assemblée.

Ils sont également les plus convaincus (94%) que le parti d’extrême droite pourra appliquer son programme s’il arrive au pouvoir.

Du point de vue sociologique ce sont les 35-64 ans (37%) et les plus de 65 ans (32%) qui ont le plus modifié leur vote en se tournant vers le RN.

Jean-Daniel Lévy observe en outre la porosité avec l’électorat de la droite classique.

Un retour aux fondamentaux place l’immigration au premier rang des motivations (69%), devant le pouvoir d’achat (63%).

Lévy note aussi que 90 % des électeurs qui ont voté pour Bardella aux Européennes ont voté pour un candidat RN aux législatives, un report supérieur à celui des électeurs du NFP.

L’étude de Lévy pose une question à la gauche : faut-il encore courir derrière un électorat perdu ?

L’augmentation et l’homogénéisation du vote RN entraînent une conséquence majeure : les liens se resserrent entre dirigeants, militants, sympathisants et électeurs.

Plus les liens se resserrent, plus les différences / divergences s’estompent.

Cette dynamique est la « substantifique moelle » d’un parti d’extrême droite. Elle se vérifie partout dans différentes circonstances.

Si les « Fâchés, pas fachos » initiaux sont appelés à se fondre dans la marmite fasciste, que faut-il faire ?

En premier, rompre avec un discours messianique de gauche qui viserait à faire revenir les brebis égarées.

En second, mesurer qu’il y a le feu au lac et qu’en ce moment des franges de l’extrême droite mobilisent pour casser les mobilisations contre les bassines et contre l’A69.

Nous n’en sommes pas à l’organisation de milices paramilitaires centralisées à l’échelle nationale, mais la volonté d’en découdre physiquement contre les mouvements sociaux est là.

Si l’on considère que l’extrême droite se renforce principalement dans des périodes chaotiques sans perspectives. La période actuelle en est une.

L’heure n’est plus à courir après l’électorat du RN, c’est le moment de constituer le nôtre.

Pour gagner, la gauche unifiée doit décliner un programme, des objectifs, mobiliser pour les réaliser.

C’est à elle de constituer, élargir et renforcer sa base électorale autour d’un programme forcément alternatif.

Cela passe par la construction de comité NFP de base où peuvent converger militants, électeurs et sympathisants.

Ces structures unitaires de base sont le chaînon manquant actuellement dans le NFP.

Créer de telles structures partout en France c’est se donner l’assurance d’intégrer toutes les composantes : citoyennes, associatives, syndicales, politiques.

Créer de telles structures c’est se donner les moyens de lutter à armes égales contre le RN et la droite qu’il satellise.