Le 13 mai 1968, voilà exactement 76 ans, la France manifeste dans la rue contre De Gaulle, à l'occasion du dixième anniversaire de son retour au pouvoir.
1968 une année qui marque encore. 1968 c'est l’émergence d’un mouvement de contestation étudiante et ouvrière d’une très grande ampleur. Bien plus que porteur de simples revendications sur les conditions de travail ou les salaires, ce mouvement s’appuie sur un rejet du régime gaulliste en place depuis 10 ans ainsi que sur la remise en cause du système social, de la société de consommation et plus généralement de toutes les formes d’autorité, des institutions et des valeurs morales traditionnelles, avec une grande aspiration à plus de liberté. Porté à la base par les étudiants, ce mouvement s’inscrit dans le cadre d’une vague de contestation grandissante dans de nombreux pays occidentaux.
Les évènements de mai 68 interviennent dans un contexte économique, politique et culturel qui va cristalliser les passions.
Sur le plan économique, la France est à l’apogée d’une période faste connue sous le nom de « Trente Glorieuses ». Mais ces années de croissance exceptionnelles sont désormais rattrapées par une remontée du chômage, une précarité de très nombreux salariés payés au salaire minimum et un début de détérioration du tissu industriel.
Sur le plan politique, le conservatisme du régime gaulliste commence à exaspérer la partie la plus jeune de la population, mais aussi la gauche qui vit très mal les dix ans d’exercice du pouvoir de De Gaulle. La gauche est toutefois divisée, l’hégémonie du Parti Communiste, qui peine à gommer ses influences staliniennes, étant fortement contesté par des mouvements d’extrême gauche comme les maoïstes ou les trotskystes. A ce titre, la guerre du Vietnam et l’impérialisme américain attisent toutes les passions.
Au plan culturel, la société a du mal à assumer les profonds changements qui se sont opérés depuis la fin de la guerre en moins d’une génération. La société de consommation a bousculé les habitudes et l’apparition des loisirs et des médias de masse ainsi que l’émergence de la génération « baby-boom », sont les moteurs de nouvelles revendications de la jeunesse, notamment en matière de liberté morale et sexuelle, dans une société ou l’autorité familiale et paternelle reste la norme. Les mouvements hippies des universités américaines fascinent la jeunesse de France qui trouve chez Mao Ze Dong, Che Guevara ou Fidel Castro des modèles forts.
Le 22 mars 1968, des étudiants de la faculté de Nanterre, emmenés notamment par Daniel Cohn Bendit, décident d’occuper l’étage du service administratif de l’université. Ils entendent protester contre l’arrestation la veille de deux de leurs leaders survenue à la suite d’une manifestation assez violente contre la guerre du Vietnam. C’est le début des évènements. La contestation à Nanterre ne faiblit pas. Les cours sont perturbés et les étudiants réquisitionnent les amphithéâtres pour tenir des réunions de discussions et de débats.
Le 2 mai 1968, le doyen de Nanterre décide de couper l’herbe sous les pieds des manifestants en fermant la faculté. Loin de calmer les esprits, cette fermeture fait essaimer le mouvement qui gagne bientôt l’université de la Sorbonne et le quartier latin à Paris.
Le vendredi 3 mai, la Sorbonne est occupée. 400 manifestants, principalement des étudiants d’extrême gauche, sont rassemblées dans la cour. La police craignant une intervention hostile de la part des étudiants d’extrême droite décide l’évacuation des lieux et pénètre dans l’enceinte de l’université. Or depuis le moyen-âge, les forces de police n’ont pas le droit d’y accéder, ce qui provoque la colère des étudiants. La confrontation avec les forces de l’ordre est brutale, et les esprits s’échauffent. Le 6 mai huit meneurs de Nanterre, dont Cohn-Bendit, sont convoqués en commission disciplinaire. La situation dégénère. Les étudiants descendent dans la rue et déclenchent de violentes manifestations contre les forces de l’ordre. Ils érigent des barricades et descellent les pavés des rues pour les jeter sur les policiers, avec également tout ce qui peut leur tomber sous la main. Les affrontements sont violents, et pendant que fleurissent des slogans libertaires « Sous les pavés, la plage », « Il est interdit d’interdire », « l’été sera chaud », « Soyez réalistes, demandez l’impossible », etc… – on se bat à coup de matraques, de barres de fer et de manches de pioche. La nuit du 10 au 11 mai est particulièrement violente. Le quartier latin est mis complètement à sac. Au matin, on relève des centaines de blessés, et les rues offrent un spectacle de guerre.
Les syndicats et les partis de gauche s’offusquent des méthodes brutales des CRS et, tentant de récupérer politiquement le mouvement, appellent à une grande manifestation de solidarité pour le 12 mai. Dans les faits, tout le monde est complètement dépassé par la dégénération si spontanéité et la violence de ce mouvement de contestation. Le pouvoir n’a absolument pas anticipé, et les syndicats et les partis de gauche ont tout d’abord regardé de haut ces étudiants « petits bourgeois » indignes à leurs yeux d’un vrai mouvement prolétarien.
Le 11 mai, le Premier Ministre Georges Pompidou, favorable à une méthode souple de conciliation pour laisser le mouvement s’essouffler, ordonne la réouverture des universités. Mais la machine s’est déjà emballée. Initialement prévue le 12, la grande manifestation est reportée au 13.
Les salariés se joignent aux étudiants. Les syndicats ouvriers et la Fédération de l'Education Nationale déclenchent ce jour-là une grève générale et appellent à rejoindre les étudiants qui manifestent depuis le début du mois.
C’est donc le 13 mai 1968 qu’un immense cortège contestataire traverse Paris. Une foule de 800 000 personnes envahit les rues aux cris de "10 ans, ça suffit !",
Tous les syndicats, CGT en tête, espèrent que cette manifestation va canaliser l’ardeur des étudiants et empêcher la contamination des ouvriers par une contestation qu’ils ne comprennent pas et qui sort complètement de leurs schémas d’actions et de revendications habituels. La grève générale symbolique doit s’arrêter à cette seule journée.
Raté !
A partir de la manifestation du 13 mai 1968, les évènements se précipitent et prennent un tour politique et social radical. La grève générale se propage partout en France. Les évènements de 68 commencent vraiment, grèves, manifs trouveront un épilogue avec les accords de Grenelle du 27 mai et les élections législatives des 23 et 30 juin : véritable raz de marée pour les gaullistes qui obtiennent une majorité absolue sans précédent à l’Assemblée Nationale.
Mais c'est une autre histoire ! que je continuerai à vous raconter le jeudi 27 mai prochain !