Cet essai alerte et vivant puise largement dans les réflexions que l’auteur s’est faites sur le sens et l’utilité sociale de son travail.
Les questions qui l’ont conduit à quitter son métier, il les a posées à de nombreux ingénieurs dans différentes branches (agriculture, transports, électronique… lui-même a travaillé 10 ans dans la robotique). Quelle que soit leur fonction : gestion de projets, conception, programmation, une majorité d’entre eux sont conscients que leur activité est plus nuisible qu’utile et souffrent de « dissonance cognitive ». Peu cependant bifurquent. Est-ce en raison de leurs revenus ? Parfois, oui. (Certains se trouvent ligotés par des emprunts immobiliers.) Mais c’est surtout leur façon de penser qui fait barrière, leur éthique, leur horizon clos.
L’ingénieur a été formaté à la résolution de problèmes posés et non à un questionnement sur leurs bien-fondés. Il s’accroche à l’idée dominante que la technologie est neutre, ses effets sociaux dépendant de l’usage qu’on en fait. Pourtant il ne peut pas nier que les choix effectués par son entreprise vont toujours dans le sens de la productivité et non de la qualité de la vie. Quand il doute trop fort de son travail, un moyen de fuir la question lui est offert par la zététique (l’art de douter de tout). Néanmoins, il arrive que la goutte d’eau fasse déborder le vase.
Lettre aux ingénieurs qui doutent / Olivier Lefebvre
Éd. L’échappée, 2023, 144 p. 14 €