Le monde agricole se rebiffe de façon impressionnante à travers tout le pays ! On a beau suivre cette actualité et écouter les uns et les autres, on a l'impression d'être en pleine contradiction entre ce qui se vit ou se dit à Paris ou à Bruxelles, ce qui se vote à Paris ou à Bruxelles.
Il faut dire que la langue de bois et le double langage est à l'honneur, un exercice que la FNSEA et le gouvernement manient avec une arrogance et un toupet digne d'intégrer la sélection aux Césars 2024. Les dernières annonces de Attal et de Macron n'en sont que l'exemple ultime, annonces évidemment encensés par la FNSEA.
Le syndicalisme agricole est bien différent du syndicalisme des salariés. Pour la plupart indépendants, les agriculteurs (pourquoi pas les paysans ou les travailleurs de la terre ?) ont laissé gérer leurs intérêts et leur profession par la FNSEA, syndicat majoritaire des exploitants ( quel vilain mot !) agricoles qui a proposé, nourri, suivi, soutenu la politique agricole européenne depuis le début au point de la confondre avec le ministère de l'Agriculture. Le résultat ? libre échange généralisé, destruction du monde paysan et soutiens financiers aux plus gros puisque 80% des aides bénéficient aux 20% des agriculteurs les plus importants. Cette même FNSEA, véritable syndicat du patronat agricole, qui, aujourd'hui, ne cesse de dénoncer le libéralisme matrice du libre-échange et cette PAC dont elle est à l'origine.
Il existe deux autres syndicats agricoles, la Coordination rurale et la Confédération Paysanne. Notez le "Rural" pour l'un et "Paysan" pour l'autre ! Ils représentent deux visions opposées de l'avenir de l'agriculture et du monde paysan. Deux modèles agricoles différents, deux origines et deux traditions différentes.
La Coordination Rurale, se bat à la fois contre la mondialisation et les mesures écologiques. Ses revendications sont à la fois libérales mais aussi souverainistes.
Mais Face à un président de la FNSEA déconnecté des réalités de sa base, (Arnaud Rousseau n’est autre que le patron de la multinationale Avril, 4e groupe agroalimentaire français, Véronique Le Floc’h, éleveuse laitière dans le Finistère, semble beaucoup plus proche de ses troupes. Un syndicat qui se revendique par contre farouchement anti-écologiste. Des écologistes responsables de tous les malheurs du monde agricole. C’est ce visage anti-écologiste qui les distingue radicalement de la Confédération Paysanne, favorable, quant à elle, à toutes les aides et toutes les décisions susceptibles de promouvoir et d’accompagner l’agroécologie.
La question de l’eau est aussi au cœur des actions de la Coordination Rurale. Localement, le syndicat défend farouchement le principe des méga bassines et celui des retenues collinaires, qu’elles soient légales ou non. Il n’encourage pas du tout des pratiques agricoles alternatives, moins consommatrices d’eau, ni ne se préoccupe de la préservation des écosystèmes, à l’heure où la ressource hydrique diminue. La Coordination Rurale a d’ailleurs défendu sans nuance la ré-autorisation du glyphosate et rappelle que "le glyphosate est un allié utile pour les agriculteurs"».
De la même façon, elle soutenait l’an dernier le maintien des néonicotinoïdes, ces insecticides tueurs d’abeilles, quand la Cour de justice européenne a rappelé à l’ordre l’exécutif français.
Stigmatisation de la gauche paysanne, refus des mesures écologiques, défense des petits contre les gros, mais aussi dénonciation des accords de libre-échange : il n’en faut pas plus pour attirer l’extrême droite politique. Le RN et Reconquête, à quelques mois des européennes, en rajoutent sur leur soi-disant anti libéralisme et leur haine de l'Europe pour récolter les voix du monde paysan.
La Confédération Paysanne a une tout autre lecture de ce malaise, du modèle agricole en cours et axe ses revendications sur des mesures structurantes et des engagements forts sur le revenu paysan pour un métier qu'elle considère d'utilité publique.
La première de ces mesures serait de réclamer conjointement l'arrêt des accords de libre-échange et la suspension immédiate de toutes les négociations, en cours.
La deuxième de ces mesures serait d'exiger l'interdiction formelle de l'achat des produits agricoles en dessous de leur prix de revient. Il s'agit enfin de mettre en place une vraie protection du revenu des agriculteurs et des agricultrices, contrairement à la loi EGALIM qui repose sur le bon vouloir des industriels. Le revenu des paysan·nes ne doit plus être la variable d'ajustement de l'ensemble de la chaîne agroalimentaire ! La question n'est pas seulement économique, elle touche à la justice sociale : l'agriculture ne peut pas être le seul métier sans rémunération !
Le monde paysan, dans sa diversité, se révolte contre un monde libéral qui les utilise, ils veulent nourrir pas mourir et on ne peut que se retrouver dans la digne colère de celles et ceux qui refusent de se résigner à leur extinction.