Formulé isolément, le concept de "Libre échange" renvoie à deux images fortes : l'organisation commerciale capitaliste et l'échangisme sexuel. Dans les deux cas il y a des gagnants et des perdants.
Si nous prenons l'exemple de la mobilisation agricole en cours, quels sont les gagnants et les perdants du "Libre échange" ?
Côté gagnant, il y a la FNSEA. Fondé après guerre, ce syndicat hégémonique a accompagné le développement du système agro-industriel en cogestion avec l'État. En 1968, Michel Debatisse futur président de la FNSEA déclarait : "Les deux tiers des entreprises agricoles n'ont pas, en termes économiques, de raison d'être. Nous sommes d'accord pour réduire le nombre d'agriculteurs."
Alors que la taille moyenne d'une exploitation en France, en 2020, est de 69 hectares, celle d'Arnaud Rousseau, actuel président de la FNSEA, ancien courtier et négociant, s'élève à 700 hectares. Parallèlement, Rousseau est à la tête d'une quinzaine d'entreprises, de holdings et de fermes, il est président du conseil d'administration du groupe industriel et financier "Avril", directeur général de Biogaz du Multien, administrateur de "Saipol", président du conseil d'administration de"Sofiproteol" . . .On le devine, Arnaud Rousseau président de la FNSEA, c'est comme si Bolloré dirigeait la CGT.
Côté perdants, en France, le nombre de paysans et de salariés agricoles est de 6,3 millions en 1946. Il est tombé à 750 000 au dernier recensement de 2020. Pendant cette même séquence, le nombre de tracteurs augmentait d'environ 1 000 %, le nombre de fermes chutait de 70 % et celui des actifs agricoles de 82 %. Dans le monde, le pourcentage de prix de vente qui revient aux agriculteurs est passé de 40 % en 1910 à 7 % en 1997.
Pendant ce temps de 2001 à 2022, les distributeurs et les entreprises agroalimentaires ont vu leur marge brute s'envoler de respectivement 188 % et 64 %. Lorsque dans le "Libre échange" on parle de libéralisation, gains de productivité, modernisation des structures, on programme la disparition des fermes et des paysans.
Devenir "Chef d'entreprise" comme le promet la FNSEA, c'est se retrouver dans la même position que le chauffeur UBER qui s'est endetté jusqu'au cou. En agriculture comme ailleurs, on ne peut pas séparer la question économique de la question sociale.
Le salut ne viendra pas de l'emprise de la FNSEA sur les pratiques et les orientations paysannes. Il viendra de leur émancipation !