En plein tapage médiatique où les lettres OQTF et CRA résonnent comme des sentences et des paravents derrière lesquels se cache la vraie violence, Robert Ménard est content et l’annonce au porte-voix : « il est précurseur, il va avoir un CRA dans SA ville ».

Un grand en plus, 140 places, on va pouvoir le remplir de dangereux étrangers, les OQTF vont pleuvoir et être enfin appliqués, avec l’aide du nouveau ministre de l’Intérieur. Il s’y connaît, M Ménard en OQTF, il a refusé de marier et a fait expulser un homme qui y était soumis. Quelle gloire ! Ce CRA, de son nom plus parlant  Centre de Rétention Administrative, qui enferme des étrangers en « situation irrégulière », c’est un projet de M Darmanin, qui a décidé d’en construire plusieurs sur tout le territoire. Difficile de trouver des communes qui acceptent, pour toutes sortes de raison, d’accueillir un CRA sur leurs terres. C’était compter sans Béziers : « un CRA, bien sûr, un grand, encore mieux !  Mais oui, Béziers est la ville idéale pour ça ! » s’est précipité Ménard, sollicité par son ami et compagnon de messe le Sous-Préfet. « Nous avons un terrain parfait à côté de la prison du Gasquinoy. » « Ce n’était pas un terrain destiné à construire une nouvelle déchetterie ? » «  Pas grave, on va en décider autrement ». « Et la consultation des élus ? Des riverains ? Une enquête publique peut-être ? » « Une quoi ? C’est MA ville ». La caricature est à peine chargée.

C’est il y a à peine un an que l’information a commencé à filtrer, malgré la discrétion inhabituelle de la mairie,  alertant la Cimade qui organise alors dans ses locaux une réunion d’information sur la réalité des CRA, avec juristes, intervenants en CRA, membres de la Cimade, qui, devant une salle comble, expliquent les enjeux, les coûts, l’inhumanité et l’inutilité de ces prisons qui ne disent pas leur nom. Á la publication d’un appel d’offre pour un marché public au printemps 2024, on doit se rendre à l’évidence : même si l’information reste confidentielle, et pour cause, l’affaire est bien lancée, et même bien avancée.

En réaction se crée alors le collectif Anti CRA de Béziers (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.) regroupant plusieurs associations, syndicats, partis politiques, citoyens, dont l’un des buts va être d’informer, puisque la mairie ne le fait pas, sur le projet biterrois mais aussi sur la réalité des Centres de Rétention Administrative. Une première action sera la pose de panneaux géants annonçant la construction, sur le lieu même du futur chantier. Un dépliant explicatif est imprimé, et distribué durant l’été dans les boîtes aux lettres des habitants du quartier. Le collectif sait bien que les réactions suscitées ne vont pas toutes être empreintes d’humanité, mais informer est une priorité. On ne peut pas lutter contre ce qu’on ignore. Et de fait, quelques riverains se rapprocheront du Collectif et des idées humanistes et solidaires qu’il porte. (Texte du collectif publié dans le courrier des lecteurs dès juillet dernier ICI)

C’est toujours dans le but d’informer qu’une réunion publique a été organisée dans le quartier du Gasquinoy Vendredi 18 octobre à 18h. Après avoir à nouveau, les jours précédents,  tourné dans le quartier pour l’annoncer, le Comité Anticra de Béziers s’est installé à côté du supermarché du coin, sur une petite place jouxtant le City stade où jouaient des ados. Table d’information, gâteaux et bouchées salées préparés par l’atelier cuisine de la Cimade, et présence de nombreux membres du collectif pour distribuer des flyers aux personnes qui passaient et attendre les riverains. Quelques uns sont venus, peu nombreux il est vrai. Mais prêts à diffuser l’information auprès de leurs voisins, contrairement à ceux que le maire, dans Midi Libre, affirme avoir rencontrés il y a quelques semaines. Beaucoup de questions chez les personnes présentes : « Pourquoi on n’a pas été informés ? Qu’est ce que c’est exactement qu’un CRA ? Où vont aller ces gens après ? Combien ça coûte ? » Daniel, du collectif prend le micro et explique, données chiffrées à l’appui : inhumanité, inutilité.. Des discussions s’engagent entre passants et membres du collectif. « Il y a des enfants, dans les CRA ? » « C’est illégal, mais oui…. » «  Mais vous avez vu, là, les 2 qui avaient un OQTF et qui ont violé et tué ces jeunes filles, ces gens sont dangereux il faut les enfermer ! » « Ce sont 2 faits divers que les médias ressassent, mais regardez les statistiques : au procès Pélicot, ils sont 50, et aucun OQTF. Et le dernier meurtrier en date, vous avez entendu les journalistes dire : c’était un Français, pas immigré, sans OQTF ?…. C’est tellement facile de réveiller la peur et le rejet de l’autre quand on possède les canaux médiatiques pour ça ». « N’empêche, ce sont des pauvres gens, oui, mais ils ne sont pas comme nous, ça fait peur.. » « Tout est fait pour que nous ayons peur. Eux aussi ont peur, avec certainement beaucoup plus de raisons que nous. ». Tout un discours martelé à déconstruire, la tâche est immense. Certains membres du collectif sont repartis un peu déçus, espérant plus de monde à convaincre. Mais le maire et le préfet ne peuvent plus maintenant faire autrement que de communiquer, et c’est déjà une victoire à laquelle le collectif n’est pas étrangère.

Parler, expliquer, lutter, apprendre des autres, rassurer, renouer des liens, trouver des brins d’humanité. Et lutter encore. Le travail du Collectif AntiCRA de Béziers ne fait que commencer. Avec toujours comme un leitmotiv : Non aux CRA, ni ici, ni ailleurs !

 

           

 

 

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies nous permettant par exemple de réaliser des statistiques de visites.