"Vous savez ce qui va se passer ? Eh bien nous allons bientôt manquer de l'eau et c'est pourquoi je bois devant vous  un verre d'eau précieuse puisque avant la fin du siècle, si nous continuons un tel débordement, elle manquera !"

C'était René Dumont, en 1974, pendant la campagne présidentielle qui verra la victoire de Valéry Giscard d'Estaing. il y a donc 50 ans !

Il faut bien avouer que Dumont avait totalement raison. La droite se moqua et lui cassa du sucre sur le dos, la gauche aussi d'ailleurs mais si tout le monde a oublié leurs discours imbéciles, ignorants et démagogiques de l'époque sur ce sujet, on n'a pas oublié René Dumont.

Surtout on n'a pas oublié que pour la première fois, on parlait d'écologie  en général et de l'eau en particulier considérée comme un bien commun et qui pourrait devenir rare. Et qu'a-t-on fait depuis ? On s'est d'abord moqué de ces "écologistes" catastrophistes et puis, et puis  on a regardé ailleurs !

Ailleurs ? C'est à dire qu'on a ignoré le constat de René Dumont et  tourné le dos à ses légitimes questions mais tout autant à celles du club de Rome dont le premier rapport sur les limites à la croissance date de 1972. On a fait exactement le contraire de ce qui était déjà préconisé. Du coup le débordement comme dit Dumont a continué et pas qu'un peu !

D'abord, première erreur, plutôt que de considérer l'eau comme un bien commun, on l'a privatisée. On se souvient de la Compagnie Générale des Eaux qui deviendra Véolia ou la Lyonnaise des Eaux devenu Suez. En privatisant l'approvisionnement et la distribution de l'eau, l'eau a cessé d'être une ressource naturelle gratuite pour toutes et tous et est devenu une marchandise. L'argument avancé par les partisans de la privatisation est que l'eau est précieuse (un mot qui n'a pas la même valeur pour tous !) et que son utilisation doit être gérée avec soin pour éviter le gaspillage. Et que seul une gestion privée de la ressource peut la préserver ! On voit aujourd'hui  le résultat ! Aux mains de véritables multinationales, la privatisation de l'eau ne pouvait plus garantir l’accès à l’eau comme un droit universel, partout et pour toutes et tous. Car qui dit privatisation dit profits immédiats et donc pas de perspectives à long terme de gestion collective et intelligente de la ressource, pas de vision collective de l'avenir.

Deuxième erreur, on a négligé la qualité de l'eau et aujourd'hui on ne peut que constater les dégâts. La pollution de l'eau s'est généralisée : mers, rivières, nappes phréatiques, eau potable de moins en moins potables, la pollution est générale comme celle d'ailleurs de l'air et de la terre. Depuis quelques semaines, l'eau était impropre à la consommation à St André de Sangonis et le Directeur de l'ARS Occitanie indiquait à ses cadres par mail de ne pas boire l'eau du robinet.

Cette pollution est industrielle à cause des produits chimiques, agricole avec les déjections animales et les produits phytosanitaires mais aussi domestique (savons, lessive, détergents peintures, hydro carbures, plastiques, médicaments et j'en passe). Même l'eau de pluie est polluée, c'est vous dire ! Cette pollution organique et chimique n'est pas le fruit du hasard mais bien le résultat de notre mode de vie basé sur la surconsommation d'objets (bien alimenté par la publicité), le productivisme agricole et l'indifférence collective aux dangers de nos comportements et aux conséquences de nos mode de vies sur la nature. Et sur ce plan, l'eau n'est pas la seule concernée, c'est toute la planète qui est malade !

Aujourd'hui, on pleure, on se lamente, on constate les catastrophe, sécheresse ou inondations. On crée des agences de l'eau, des commissions locales, régionales, nationales, des polices de l'eau même. Sa rareté et sa qualité inquiètent. L'eau est d'ailleurs devenue un objet de mobilisation et de luttes, un bien à défendre. Car les populations se rendent bien compte qu'on joue avec leur avenir. On tente même de revenir à des gestions publiques de l'eau. On organise un peu partout, et en particulier sur Radio Pays d'Hérault (1) mais aussi prochainement à Puisserguier (2), des débats, des colloques, des conférences : l'eau est devenu un vrai sujet d'inquiétude et d'actualité. Mais la cécité institutionnelle et les enjeux financiers ont la peau dure. On continue malgré tout à gaspiller, on continue à polluer, on continue à traiter par le mépris les prévisions de plus en plus alarmantes du GIEC sur le dérèglement climatique. Le réchauffement climatique en particulier et ses conséquences qui n'étonnent que celles et ceux qui se moquaient déjà de René Dumont voilà près de 50 ans. Les discours ont changé, c'est vrai mais les actes ne suivent pas car les décisions qu'il faudrait prendre pour préserver l'intérêt général d'une eau, bien commun de l'humanité vont à l'encontre des intérêts particuliers de celles et ceux qui en tirent profit.

L’'eau ne devrait pas être une question de marché ou de charité, car c’est un droit vital de l’être humain !

 (1) https://www.rphfm.org/voyage-au-coeur-de-leau/

(2) https://www.envieabeziers.info/agenda/environnement/le-partage-de-l-eau-en-debat

 

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