Il existait une base sociale au régime de Vichy. Les historiens les appellent les « maréchalistes ». C’était des admirateurs inconditionnels du père de la nation, du « vainqueur de Verdun ».

Ce courant populiste est renforcé par une version plus politique les « pétainistes » qui rejettent le régime républicain. Les deux versions de l’idolâtrie pétainiste vont donner naissance à l’un des épisodes les plus sombres de l’occupation : la collaboration par la dénonciation et la délation.

Les autorités aussi bien vichyssoises qu’allemandes ont reçu des centaines de milliers de lettres de dénonciations durant toute l’occupation. Plusieurs millions si l’on comptabilise les dénonciations orales et téléphoniques. Cette lame de fond impliquait toutes les classes sociales, hommes et femmes confondues.

Les dénonciations qui concernaient : la possession d’armes, le soutien aux parachutés, la traque des juifs, des militants politiques et syndicaux, des résistants et des réfractaires au STO (Service du Travail Obligatoire), étaient en général adressées à la feldgendarmerie ou à la kommandantur.

Les délations étaient encouragées par l’occupant nazi qui offrait des primes en cas de capture. Un équipage anglais valait 10 000 francs, la capture de « terroristes » et de « criminels » 100 000 francs.

Pour des questions financières et politiques, l’occupant nazi demandait que les frais de ces « récompenses » soient à la charge de l’état français.

Vichy ne se fera pas prier pour satisfaire les désidératas de l’occupant. Confronté à une vague de dénonciations calomnieuses qui « lui faisait perdre du temps », l’occupant obligea Vichy à promulguer une loi qui limitait l’ardeur des délateurs.

Les dénonciations adressées exclusivement au régime de Vichy concernaient majoritairement le marché noir et les problèmes de ravitaillement. Mais elles portaient aussi sur tous les aspects de la vie quotidienne : jalousie, voisinage, héritage.

Cette délation était bien sûr réprouvée en silence par une grande partie de la population. En silence, car critiquer cette politique de dénonciation revenait à s’exposer aux autorités.

Le régime de Vichy a poussé à la division, à la stigmatisation des « mauvais français », à la dénonciation. Il fut aidé par la presse de caniveau. Les titres « Au Pilori » ou « Gringoire » s’étaient fait une spécialité dans les dénonciations haineuses.

L’historien Laurent Joly a mis en évidence que certaines lettres, écrites anonymement, reprenaient mot pour mot les termes employés par cette presse. Par exemple, cette formule utilisée rituellement par « Au Pilori » : « et bien sûr, ce monsieur ne porte pas l’étoile jaune ».

Au moment où des candidats à l’élection présidentielle évoquent l’anti-France et les complots islamogauchistes pour diviser la population, souhaitons que le rappel de cette collaboration par la dénonciation et la délation fasse : piqure de rappel . . .

 

Cet article est issu de notes de lectures du livre de Laurent Joly « La délation dans la France des années noires » édité chez Perrin en 2012.