Fin 1943 la nomination de Joseph Darnand, déjà secrétaire général de la milice, comme « secrétaire général au Maintien de l’ordre » acte la bascule définitive de Vichy dans un régime policier.
Cette bascule est de fait progressive, elle s’articule autour de glissements vers une fascisation de la société française.
Le 29 août 1940, Pétain institue « la Légion française des anciens combattants ». C’est une sorte de relais idéologique entre le sommet de l’Etat et le Français de base. Elle est constituée d’anciens combattants et de notables provinciaux qui soutiennent le projet politique « Travail, Famille, Patrie » porté par la « Révolution nationale » Pétainiste.
Dès 1941 cette « Légion Française » est investie par des collaborationnistes issus de l’extrême droite. Joseph Darnand ancien soldat des corps francs de la Première Guerre mondiale est l’un deux. Il est décidé à accélérer le processus de « Révolution nationale » de l’ancrer vers l’ultra-droite.
En décembre 1941, il obtient de Vichy la création d’un Service d’Ordre Légionnaire, le SOL. Le programme du SOL décliné en 21 points affiche la suprématie de l’extrême droite. On y retrouve la lutte contre « la lèpre juive », « les complots francs-maçons et Bolchéviques ». Le SOL propose aussi de châtier les responsables du désastre militaire.
Le 30 janvier 1943, la « Milice française » issue du SOL, mais autonome par rapport à la « Légion française » est créee sous l’autorité du chef du gouvernement. Elle est reconnue d’utilité publique.
Le « Milicien Français » devait être Français de naissance et non juif. Les femmes pouvaient être acceptées comme bénévoles. À côté de la « Milice » était mise en place une « Franc-Garde ». Elle était destinée à être le fer de lance de la « Milice ».
En septembre 1943 Darnand déclare « Il n’y aura pas de redressement français possible hors d’une Europe libérée par la victoire allemande.
Dès lors les nazis comprennent qu’ils peuvent compter sur la « Milice » pour mener une guerre franco-française. La SS accepte de fournir des armes à la « Franc-Garde ». En échange Darnand accepte de s’engager dans la Waffen SS.
Darnand remplace Bousquet à la tête des polices françaises. Le 30 décembre 1943 il est nommé « secrétaire d’État au maintien de l’Ordre » il contrôle toutes les polices.
Dès lors, un État milicien colonise les services du ministère de l’Intérieur, ouvre ses propres centres de torture et agit dans l’administration pénitentiaire et les autres services de renseignements.
En mai 1944 Darnand déclare « il ne s’agit pas de savoir si l’Europe sera germanisée ou non ce que l’on pouvait penser en 1940, mais si elle sera bolchévisée. Or le seul obstacle à la bolchévisation est l’armée allemande ».
La « Milice » avait déjà attaqué le maquis du plateau des Glières en mars 1944
La « Milice » a compté jusqu’à 40 000 adhérents, c’est loin d’être négligeable mais insuffisant pour assurer l’encadrement totalitaire de tout le pays.
Les miliciens ont mené une guerre franco-française qui était une guerre civile.
Après le débarquement du 6 juin 1944, les miliciens s’enfoncent dans une fuite en avant.
Ils exécutent des prisonniers, des résistants, torturent des innocents.
Dans cette dernière phase, les miliciens sont haïs par la population. Ils sont assimilés à des complices de l’occupant.
Pétain prend publiquement ses distances le 6 août 1944, mais c’est trop tard.
Dans la lutte d’influence entre collaboration d’Etat et collaborationnistes, les collaborationnistes ont gagné.
Ils ont gagné, parce qu’un régime autoritaire comme l’a été Vichy ne tolère pas d’opposition.
Ils ont gagné, parce qu’au sein d’un régime autoritaire il y a toujours une prime pour les ultras.
Ils ont gagné, comme demain les plus radicaux de l’extrême droite l’emporteront s’ils gagnent en France l’élection présidentielle.
Une constitution comme celle de la cinquième république qui donne de fait les pleins pouvoirs au chef de l’Etat ne ferait qu’accélérer une dérive totalitaire et policière si l’extrême droite est élue dans le cadre de ses institutions
Cet article est issu de notes de lecture d’un dossier de Jean-Pierre Azéma « La Milice » dans la revue, Vingtième Siècle, éditée au dernier trimestre 1990