De toutes les routes de la Retirada, celle qui mène au Perthus sera évidemment la plus empruntée et la plus dangereuse.

Elle sera saturée jusqu’aux abords de La Jonquera, bombardée en permanence par l’aviation nationaliste.

Côté Espagnol, des dizaines de milliers de réfugiés attendent que la France veuille bien les accueillir.

Au matin du 27 janvier 1939, côté français, la situation est encore calme. Dans la journée, les premiers réfugiés passent la chaîne matérialisant la frontière devant la borne 574. Ils ont manifestement échappé au filtre mis en place jusqu’à La Jonquera par les autorités républicaines espagnoles qui sont en lien avec le gouvernement français.

Ce barrage saute le 28 janvier à 7 h du matin, libérant une marée humaine.

Des femmes, des enfants, des civils, quelques soldats, beaucoup de blessés victimes des bombardements aériens franquistes. Les femmes et les enfants sont accueillis, on leur distribue du pain et des boissons. Des autocars et des camions les amènent au Boulou.

Les blessés sont conduits au château de Bellegarde qui domine Le Perthus.

Suivant les directives du ministre de l’Intérieur Albert Sarrault, les hommes valides et les premiers soldats sont refoulés.

Albert Sarrault présent le 31 janvier sur place n’a pas voulu voir le déferlement indescriptible qu’ont eu à canaliser les jours précédents, les autorités locales. Le préfet Didkowski, le maire du Perthus Casademont, le député Noguères, divers commandants, s’insurgent à des degrés divers de cette visite où le ministre refuse de voir la réalité.

Le Perthus est le lieu où se télescopent la volonté citoyenne et la volonté politique.

Dans ce désarroi, des gestes de réconfort de nombreux bénévoles et anonymes sont signalés par les réfugiés, mais la solidarité est débordée par la marée humaine.

À partir du 5 février l’exode prend une autre tournure. Des colonnes de combattants, après avoir été désarmées sont autorisées à passer la frontière.

Le conseil municipal de juin 1939 indique « Il est passé par le village 250 000 personnes environ, 40 000 véhicules et 15 000 animaux ». Le tout en une dizaine de jours. 

Le passage par Le Perthus restera pour les républicains espagnols un souvenir douloureux où se mêlent la douleur de la défaite, de l’exode, l’impréparation, voire le rejet des autorités françaises.

Le 9 février dans l’après midi les franquistes occupent la partie espagnole du Perthus.

 

Ce texte est un extrait de lecture du livre de Serge Barba « De la frontière aux barbelés, les chemins de la Retirada 1939 », édité aux éditions Trabucaïre en 2017.