Les mobilisations contre la guerre d’Indochine en France restent ( 70 ans après la fin du conflit ! ), un exemple pour tous les antimilitaristes. En France, pendant 8 ans, la convergence bâtie entre luttes syndicales et luttes politiques a mis l’impérialisme français en échec.

(4) L’opposition à la guerre d’Indochine en France

À la fin de la Seconde Guerre mondiale les va-t’en guerre radicaux socialistes et gaullistes regrettent le manque d’enthousiasme de la population pour garder l’Indochine dans le giron de l’impérialisme français.

Pour autant, pendant 8 ans, les gouvernements de la quatrième république n’ont pas mené la guerre en reculant. Le corps expéditionnaire a compté plusieurs centaines de milliers de soldats et l’effort de guerre tant financier que matériel a été colossal.  

Les organisations trotskystes initient la mobilisation décembre 1946. Elles sont à l’initiative d’un meeting et d’une manifestation interdite à Paris. Elles tentent d’organiser les travailleurs vietnamiens présents en France.

L’hiver 1946, ces mêmes travailleurs indochinois manifestent partout en France. Certains organisent des grèves de la faim.

Début 1947, les tortures de l’armée française sont dénoncées dans « l’Humanité ». Les élus communistes qui viennent de quitter le gouvernement d’union nationale refusent de voter les crédits de guerre dès mars 1947.

En février 1948, un rassemblement est organisé à l’initiative du PCF à la Mutualité à Paris.

À partir du mois d’août 1948, le PCF mobilise sur le thème de la paix en Indochine. Plusieurs manifestations sont organisées partout en France.

96 manifestations ont été organisées au cours de l’année 1949.

Dans le courant de l’année 1949, les premiers refus de chargement d’armes à destination de l’Indochine ont lieu. Ils vont perdurer pendant un an en montant crescendo.

Cet antimilitarisme actif est très fort à Marseille où il dure du 2 novembre 1949 au 18 avril 1950.

Les ports de Dunkerque, Rouen, Saint-Nazaire, Nice, La Palice, Bordeaux, Cherbourg, Brest, Oran et Tunis connaissent des mobilisations exemplaires.

Le 2 janvier 1950, les dockers d’Oran demandent à leurs syndicats de coordonner l’action contre la guerre au Viêtnam. La grève se durcit à partir du 16 février 1950. Une grève générale est votée pour le lendemain.

Le 27 février 1950, 7000 manifestants sont réunis à la maison du peuple d’Oran. La police tire sur les manifestants et cause 5 blessés graves. Elle saccage ensuite la maison des syndicats.

On compte 50 arrestations, dont celle du maire adjoint, Joseph Estève.

Le 4 février 1950 à Lorient, un millier d’ouvriers de l’arsenal manifestent contre l’envoi d’armes en Indochine. Des mobilisations similaires ont lieu dans les arsenaux de Brest et Toulon.

Au même moment, aux usines Michelin de Clermont-Ferrand, des ouvriers refusent de charger un lot de pneus destinés à équiper blindés et camions militaires en Indochine.

En mars 1950, Nice accueille 25 000 jeunes franco-italiens du mouvement de la paix.

À Tours, un train chargé de blindés est bloqué. La foule occupe la voie de chemin de fer. Une militante Raymonde Dien est condamnée par un tribunal militaire à un an de prison ferme et quinze ans de déchéance des droits civiques.

En Bretagne, le quotidien régional « Ouest-Matin » est condamné le 16 mars 1950 pour « allégations diffamatoires envers l’armée française ». 10 000 personnes manifestent leur soutien au quotidien.

Le 23 mars 1950 un train d’automitrailleuses est bloqué à Roanne.

Le 17 avril 1950 dans le port de Brest, l’ouvrier Édouard Mazé est tué d’une balle dans la tête lors d’une manifestation. Sa mort entraîne le reflux du mouvement et le début de la répression.

Le 15 mai 1950, l’ingénieur en chef du port de La Palice retire leur carte professionnelle aux 290 dockers qui ont refusé de charger les cargos pour l’Indochine.

Si la solidarité active est bloquée par les attaques sociales, judiciaires et économiques du pouvoir, la bataille de l’opinion est, elle, gagnée.

En mai 1953, 28 % des électeurs gaullistes du RPF sont partisans de négocier et de retirer les troupes d’Indochine. Ils sont 38 % au CNIP, 41 % au MRP, 43 % chez les radicaux, 61 % chez les socialistes, 100 % chez les communistes.

En 1954, la défaite de Dien Bien Phu signe l’impossibilité gouvernementale à poursuivre une guerre impopulaire.

La même année, le gouvernement français entame des pourparlers de paix à Genève.

En Indochine, l’impérialisme américain va prendre le relais au nom de la guerre contre le communisme. Rendez-vous la semaine prochaine pour voir comment il a, lui aussi, échoué.

 

( Cet article est un résumé de lecture du livre d’Alain Ruscio « Les communistes français et la guerre d’Indochine 1944 – 1954 » paru aux éditions l’Harmattan en 1985 )