La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) - ou l’équivalent du plaider coupable aux USA - est une procédure qui permet de juger rapidement l'auteur d’une infraction à condition qu'il reconnaisse les faits reprochés. La méthode sert aussi à désengorger les tribunaux faute de moyens pour gérer un vrai procès.
La CRPC tient, depuis sa création en 2004, a priori sous Chirac, une part croissante dans la réponse pénale, sauf pour des délits comme agression sexuelle, homicide involontaire, injures, délits politiques. Elle permet, par contre, une diminution de la peine, et de s’en sortir, la plupart du temps, sans inscription sur leur casier judiciaire et d’éviter un procès public.
Les dernières affaires de ce genre sont récentes : l’ancienne ministre de la Santé et Nestlé.
La première, au vu du CV de l’accusée, aurait dû faire la Une des médias : Agnès Firmin Le Bodo a été condamnée lundi 14 octobre par le tribunal judiciaire du Havre à une amende de 8 000 euros – en partie assortie d’un sursis – dans le cadre de l’enquête sur ses liens avec l’industrie pharmaceutique, en particulier Urgo. Cadeaux (montres, champagne…) qu’elle a qualifiés de « négociations commerciales ».
Pharmacienne de profession, elle occupait alors les fonctions de ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Puis fut promue, malgré les faits, ministre de la Santé !
Elle avait perçu des cadeaux pendant 5 ans d’un montant de 20 000€.
En gros, après la négociation avec la justice, elle a gagné plus de 12 000€, pas de casier, pas d’inéligibilité et elle qui a été réélue députée en juillet 2024
Nestlé Waters : condamné à une amende de 2 millions d’euros (peu chère) après avoir conclu une convention judiciaire d’intérêt public avec la justice
Et ce, suite à deux enquêtes : l’une sur des forages illégaux dans une nappe phréatique des Vosges, l’autre sur des traitements de purification interdits à Vittel.
Cette procédure permet d’imposer le versement d’une amende et/ou la conduite d’un programme de mise en conformité, ainsi que la réparation d’un préjudice. Or elle n’a « ni la nature ni les effets d’un jugement de condamnation », et « n’emporte pas déclaration de culpabilité » (réf le Code de procédure pénale).
« La disposition est un peu scélérate, elle permet aux gens qui ont de l’argent d’échapper à un jugement et à un casier judiciaire » dixit Bernard Schmitt, du collectif Eau 88, qui avait porté plainte dès 2020 sur les forages illégaux.
Mais Bernard Schmitt nous a confié que l’argent perçu pour préjudices devrait permettre aux associations d’avoir les moyens d’aller plus loin dans cette affaire.
Ces deux situations sont, en tout cas, des révélateurs d’une justice qui a des vrais problèmes pour fonctionner correctement. Logiquement on s’attendait à un procès en bonne et due forme.
Reste à venir l’affaire Lafarge… on croise les doigts pour que ni la CRPC, ni la CJIP ne soient proposées à l’industriel !