Robert Ménard ne cesse d’explorer les pouvoirs de police administrative des maires. Dernier épisode en date : l’arrêté maintenant un couvre-feu de 23 h à 6h du matin pour les moins de treize ans dans les quartiers prioritaires de la ville jusqu’en septembre 2024. Mais aussi l’arrêté imposant aux commerces alimentaires de fermer de 20 heures à 6 heures dans l’hypercentre de Béziers jusqu’en juillet 2025 pour motif de troubles à l’ordre public. En droit, la liberté est encore la règle en France et la restriction de police l’exception.

L’arrêté de couvre-feu, comme ceux de Limoges ou Cagnes s/mer, font suite à celui pris par le ministre de l’Intérieur à Pointe à Pitre pendant deux mois pour les mineurs dès 20h. On se souvient déjà du zèle du maire de Béziers à appliquer le couvre-feu lors de l’épidémie de Covid, qui avait coûté la vie à Mohamed Gabsi.
Quelle est l’efficacité de ces mesures ? La loi ne prévoit pas de le prouver a posteriori. Si un mineur est entraîné dans un processus de délinquance et de violence va-t-il la respecter ?
Quel impact a-t-elle eu sur les libertés individuelles ? Non plus. La fermeture à 20h de commerces alimentaires a pourtant un impact évident sur la liberté constitutionnelle d’entreprendre.
Quelles autres mesures ou quels services ont été engagés pour répondre à la nécessité qui a prévalu à ces arrêtés ? Pas plus. Pour l’un, des discussions ont-elles été tenues avec les commerces concernés ? Pour l’autre, Raphaël Balland, le procureur de Béziers, avait souligné en janvier 2024 le nombre important de procédures en stock dans les commissariats de la ville et l’importance d’augmenter les effectifs de la police judiciaire, c’est-à-dire des enquêteurs. Où en est-on ?
En revanche, dans les deux cas, une population particulière est ciblée et désignée comme responsable par un maire : un quartier, une génération ou un type de commerce.
Robert Ménard ne s’en cache d’ailleurs pas : « Un certain nombre de ces commerces, ils font tout autre chose. » (Radio France Bleu Hérault, lundi 6 mai 2024). Insinuer, accuser, voilà la tactique bien habituelle du maire de Béziers. Et de s’en prendre aux coiffeurs dit communautaires, comme il l’avait fait pour les kebabs. Robert Ménard rêve de pouvoir étendre le droit du maire au choix des commerces qui ouvrent.
La délinquance n’est pourtant pas le propre d’un type de commerce, d’un quartier ou d’une population. Délinquance économique (supérieure à Béziers que dans le reste du département) ou violences sexuelles et familiales sur mineurs notamment (en forte augmentation) le montrent.
La délinquance augmente globalement à Béziers depuis 2020-2021 en matière de trafic de drogue, de vols violents sans arme, de vols de véhicules. Comme dans le reste du territoire. Même si on note une augmentation, le nombre de mineurs, mis en cause dans ce processus à Béziers reste marginal. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’en préoccuper. La question est plutôt quelles réponses y apporter ? et à apporter à la délinquance en général ? Un arrêté de couvre-feu est-il à la hauteur des enjeux ? N’est-il pas plutôt là pour masquer les défaillances en matière de politique sécuritaire, alors même que Robert Ménard en a fait son cheval de bataille. L’augmentation de la délinquance en France est-il sans rapport avec la politique ultra-libérale et le délitement des services publics ?
Le terreau de la délinquance, la pauvreté. Comme dirait Robert Ménard « Tout le monde le sait ». En 2020 le taux de chômage des 15-24 ans était de 38,4 % à Béziers pour 22,7 % sur l'ensemble des villes selon les données de l'Insee. Mais quelles mesures politiques et économiques sont-elles prises à Béziers et partout sur le territoire pour lutter contre la précarité ?

Sources
Le ministère de l'Intérieur a mis en place un site où l'on peut consulter les statistiques de la délinquance par commune. Les statistiques ne représentant néanmoins qu'une porte d'entrée sur le phénomène.
https://ssmsi.shinyapps.io/donneesterritoriales/