Depuis l’arrivée de Robert Ménard à la présidence de l’agglomération Béziers-Méditerranée, une inquiétude pèse sur l’avenir de la médiathèque André Malraux. Cette inquiétude a été renforcée par la baisse des crédits alloués aux médiathèques de l’agglomération dans le budget primitif 2021. Les crédits alloués passent de 436 800 euros à 301 050 euros, soit une baisse de 30,99%. On aurait tort d’attendre béatement comme on a pu le faire lors du premier mandat de Robert Ménard que le prévisible devienne visible et que s’opère le démantèlement d’une des rares réussites de politique culturelle de ces dernières années sur le biterrois.
Ne nous faisons aucune illusion. Robert Ménard attaquera cet objet culturel symbolique à ses yeux du multiculturalisme, de l’éducation populaire, de la pensée de gauche. Il le fera comme il a supprimé les festivals Festà d’Oc et Swing Les pieds dans l’eau, comme il a réduit l’accès aux différents musées de la ville, comme il spécule sur le patrimoine architectural biterrois de la place de la Madeleine à la maison Chappaz en passant par la maison de Jean Moulin. Il le fera conformément à son adhésion au modèle libéral autoritaire en supprimant des emplois comme il l’a fait à la mairie et en privilégiant le budget sécuritaire sur le budget culturel. Il le fera comme on a pu le voir dans les autres municipalités d’extrême-droite en restreignant non seulement le budget, mais en intervenant aussi dans la politique des acquisitions et le choix des ouvrages et en contestant le professionnalisme et l’expérience des agents (1).
Depuis cet automne l’alarme a sonné à plusieurs reprises après la mise à la retraite accélérée de l’ancienne directrice de la Mam et l’arrivée de Stéphane Million. Cet éditeur aventurier, féru de romans, déjà venu à Béziers dans le cadre des Chapiteaux du Livre en 2013, partage probablement une vision décadentiste de la société avec Robert Ménard. Il quitte la ville de Coulommiers où il officie comme éditeur avant le « chaos final » dit-il – trop de kebabs, de vendeurs de téléphones portables à son goût (2). En prise avec les difficultés d’une petite maison d’édition indépendante comme la sienne, « Sable polaire », il déplore la fonte du lectorat, la dégradation de la langue française, le peu d’exigence de l’Éducation nationale, résumant tous ces poncifs réactionnaires ainsi : « Un pays qui prélève 1 000 milliards d’impôts et qui voit son QI baisser est un pays très malade. » (3)
Pour soigner cette maladie, rien de tel que le jeûne. D’où ses (enfin ses…) premières décisions, une fois sa nomination à la Mam faite dans les règles : diminution d’horaires d’ouverture, fermeture de services comme les cabines de langue ou les bibliobus, suppression des conférences ou projections qui pouvaient avoir lieu le soir, remise en question de l’accès aux périodiques et donc à l’information plurielle. La politique d’actions culturelles semble remise en cause. Elle est remplacée par une politique du divertissement, comme l’illustre très bien l’exposition « Les musées squattent la Mam », exposition qui semble avoir été élaborée davantage dans le cabinet du président de l’Agglomération, qu’en concertation avec les équipes de la Médiathèque, prévenue au dernier moment de sa mise en place.
Pour résumer cette histoire ça donnerait : 1) je diminue l’accès aux musées y compris pour les publics scolaires 2) je réduis l’offre culturelle de la Médiathèque 3) j’expose quelques pièces des musées fermés dans la médiathèque dont je diminue l’offre culturelle. Gageons que l’opération « Les musées squattent la Mam » n’est pas sans rapport avec l’action médiatique de Louis Aliot pour ouvrir coûte que coûte les musées de Perpignan. Cette action coup de poing lui faisait un peu d’ombre et le faisait passer pour un sacré plouc.
À sacré plouc sacré travail d’opposition, c’est ce qui a permis de sauver de la vente le palais épiscopal si emblématique de Béziers. Un collectif d’usagères et d’usagers de la Mam s’est mis en place et a pu déjà rencontrer le nouveau directeur de la Mam (4) pour exprimer leurs interrogations. On ne manquera pas de relayer leurs interventions sur Envie à Béziers.
Lire également sur Envie à Béziers "La Mam, une place forte multiculturelle à défendre !"
1) Lire à ce propos https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1997-04-0008-001 Catherine CANAZZI, « Orange, la bibliothèque pervertie : pluralisme ou propagande ? », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 1997, n° 4, p. 8-9.