Le 24 février 1895, voilà exactement 127 ans, des révolutionnaires cubains se rebellent les armes à la main contre Madrid et sa tutelle coloniale, à l'initiative de José Marti et des frères Antonio et José Maceo. Débute alors la seconde guerre d'indépendance cubaine trois décennies après la première.
Dans les années 1890, quatre classes sociales s'opposent à Cuba : une classe de gens de couleur libres, une classe d'anciens propriétaires terriens qui se retrouvent ruinés par la transition impérialiste et la destruction du système esclavagiste, une classe de technocrates employés dans l'appareil d'Etat colonial qui sont les piliers de la domination et de l'oppression espagnole, enfin une classe de capitalistes négociants gérants de trusts étrangers qui détournent à leur profit une grosse part des revenus du capital de Cuba. La disparition de l'esclavage pose à Cuba, comme ailleurs, un redoutable problème politique. Face à cela, pour la quasi totalité des partis politiques de l'île (parti de l'union constitutionnelle, réformiste ou encore libéral autonomiste), Cuba est et doit rester une partie de l'Espagne ! Et puis s'est très tôt constitué le parti révolutionnaire cubain pour sortir Cuba du guêpier colonialiste et impérialiste. Un programme d'action en neuf articles est adopté avec un objectif déterminé : " l'indépendance absolue de Cuba" .
Le soulèvement armé est proclamé à New York dès janvier 1895 et José Marti rédige le manifeste de Montecristi pour justifier leur lutte.
Au début des hostilités, les Espagnols s'imaginent qu'ils vont mater l'insurrection en expédiant une armée de 100 000 hommes car, affirme le 1er ministre espagnol, "nous voulons mettre fin à cette lutte une fois pour toutes".
Fin 1896, les forces espagnoles s'évaluent à près de 300 000 hommes ! soit un soldat pour 6 habitants à Cuba, record inégalé dans l'histoire mondiale de la répression.
Les insurgés du Parti révolutionnaire cubain veulent épuiser l'Espagne, la ruiner financièrement et pour cela comptent sur le temps qui joue en leur faveur. Le déploiement de leurs opérations militaires se fait à la campagne, de préférence dans les zones montagneuses et boisées. La révolution s'étend même dans les régions sucrières où les autorités espagnoles constatent avec inquiétude que (je cite) "même les "nègres" sont disposés à se joindre aux forces insurrectionnelles". Des "nègres" qu'ils croyaient abrutis par quatre siècles d'esclavage. Toutes les catégories sociales mécontentes de l'Etat colonial sont touchées par la propagande politique des révolutionnaires. La situation s'aggrave au fur et à mesure que s'effectue la mobilisation populaire. Les combattants du parti révolutionnaire ont élaboré une technique d'invasion par mer avec un double objectif : procéder au débarquement des principaux chefs militaires qui vivaient en exil et approvisionner la révolution en matériel.
Quand à l'Espagne, elle livre une véritable guerre coloniale qui va échouer dans son objectif de pacification. L'effondrement de l'Etat colonial est réel dans les campagnes et les villes sont assiégées.
Au début de 1898, les Espagnols battus sur le terrain n'ont plus qu'une solution : en finir le plus rapidement possible. La bourgeoisie conservatrice cubaine voit dans les Etats-Unis une ressource qui peut les sortir de ce piège. En Espagne même, la crise économique et financière et la crise sociale donnent lieu à des soulèvements de réservistes à destination de Cuba. La monarchie espagnole est en péril. Il lui faut trouver une échappatoire pour sortir la tête haute du piège cubain en empêchant la victoire des révolutionnaires. Le gouvernement espagnol poursuit alors une politique systématique de provocation envers les Etats-Unis pour qu'ils interviennent !
Le 15 février 1898, un vaisseau de la marine américaine qui se trouvait dans le port de La Havane, explose dans des circonstances encore non éclaircies. Les États-Unis décident alors d'intervenir militairement dans le conflit et d'attaquer les Espagnols à Cuba. Pourtant à ce moment-là, les révolutionnaires Cubains étaient proches de la victoire. Les Etats- Unis se fondent sur l'incapacité évidente de l'Espagne à terminer la lutte, sur l'éventualité imminente de l'indépendance de Cuba et le principe de l'incapacité des Cubains à s'auto déterminer. Ils prétexteront également la répression menée par le gouvernement espagnol...Les hostilités vont à peine durer 3 mois . L'armée espagnole se rend. Un simulacre de combat sur mer et sur terre qui s'achève par une substitution des pouvoirs à Cuba et la signature du traité de Paris ce 11 décembre 1898. L'Espagne cède Cuba, mais aussi Porto Rico, Guam et les Philippines aux États-Unis. Un gouvernement militaire américain d'occupation se met en place. Les révolutionnaires cubains se sont débarrassés de l'Espagne colonialiste pour passer sous le joug de l'Amérique impérialiste !
L'Espagne avait finalement envoyé un million d'hommes se battre à Cuba, mais seuls 200 000 retournèrent en Europe. Les autres sont morts au combat, par maladie ou bien ont décidé de rester espérant de meilleures conditions de vie à Cuba.
Quatre ans plus tard, le 20 mai 1902, les Américains accordent l'indépendance formelle à Cuba. Toutefois, ils firent insérer l'amendement Platt dans la Constitution. Cette disposition permet aux soldats américains d'intervenir à Cuba, chaque fois qu'ils le jugent nécessaire pour la stabilité de l'île mais leur accorde également des bases navales sur le sol cubain comme Guantanamo.
Cuba continuera à être sous la dépendance de Washington jusqu'à la révolution de Fidel Castro, et les dictateurs successifs recevront à plusieurs reprises le soutien des États-Unis. Les troupes américaines quitteront l'île le 28 janvier 1909, mais les Américains garderont le contrôle de la base navale de Guantanamo (toujours occupée à ce jour par les États-Unis).
Depuis 1962 et la victoire castriste, Cuba est sous embargo des USA. La reprise des relations diplomatiques ces dernières années laisse présager une issue favorable à la levée du blocus américain.
mais c'est une autre histoire !