Le 14 avril 1931, voilà exactement 91 ans, deux jours après des élections municipales qui ont donné la majorité à une coalition antimonarchiste, l'Espagne proclame l'abolition de la monarchie et l'avènement de la République, la deuxième de son histoire, la première n'ayant duré que 4 ans de 1873 à 1876.
C'est le début d'une période pleine d'espoir pour l'Espagne qui finira quelques années plus tard dans une épouvantable guerre civile et l'instauration de la dictature franquiste.
L'année précédente, le général Miguel Primo de Rivera, désavoué par les commandants des régions militaires, s'est retiré et a quitté le pays.
C’est en août 1930, qu'une coalition républicaine se constitue sur la base d’un programme commun, dit pacte de San Sébastian, comme alternative à la monarchie et à la dictature de Primo de Rivera.
Ce front se compose d’un large éventail politique et social : droite libérale et républicaine, anarcho-syndicalistes, communistes, socialistes, radicaux, radicaux-socialistes, organisations syndicales, intellectuels et officiers républicains… Cette alliance disparate remporte les élections municipales du 12 avril 1931 dans 41 capitales de province sur 50.
Le scrutin se déroule dans une atmosphère de grande violence. Dans les campagnes, les débordements populaires font de nombreuses victimes, en particulier dans le clergé catholique. Le roi Alphonse XIII est pris de panique à la vue de ces masses hirsutes et anticléricales. Il se considère désavoué par le scrutin et, deux jours plus tard, quitte le pays... Mais il n'abdique pas pour autant
Le programme en question prévoit des transformations de nature nationale et démocratique; nationales, car elles servent les intérêts de la nation en tant que telle pour la modernisation de l’Espagne, et démocratiques, car elles servent en même temps les intérêts de la majorité des classes et couches sociales espagnoles, à l’exclusion des grands propriétaires terriens ( les latifundia), dont les intérêts s’opposent à ceux la majorité de la société.
Le 28 juin suivant, le Front Républicain remporte la majorité des sièges à l’Assemblée constituante qui donne naissance, quelques mois plus tard, à une Constitution républicaine et laïque.
Pourtant les diverses tendances politiques et les groupes sociaux qui ont lutté pour mettre fin au règne d'Alphonse XIII et se sont accordés sur la forme républicaine de l’État laissent très vite apparaître leurs divergences.
La nouvelle loi fondamentale s'inspire largement de la Constitution de la Première République allemande, dite de Weimar, de 1919 à 1933, alors la plus avancée sur le plan social et de la Constitution de la Troisième République française, pour ce qui est de la laïcité et des principes républicains.
C’est ainsi qu’elle adopte la devise Liberté, Égalité et Fraternité, et proclame que l’Espagne est une « République démocratique de travailleurs de toutes les classes. ». Elle institue également la laïcité, stipulant la stricte séparation des Églises et de l’État, et son corollaire, les libertés de conscience et de culte, l’introduction du mariage et du divorce civils, une école publique mixte, laïque, obligatoire et gratuite.
Elle a aussi instauré le suffrage universel, le droit de vote et d'éligibilité pour les femmes, la protection sociale, la liberté d’association qui permet un essor des vies syndicales et associatives, la mise en place d’un Conseil constitutionnel et d’une réforme agraire. De même qu’elle accorde l’autonomie à certaines régions, Catalogne, Pays Basque, Galice.
Pour ne citer que l’exemple de l’enseignement, le gouvernement, présidé par un membre de la droite libérale, augmente notablement le budget de l’instruction publique et les salaires des enseignants, forme de milliers d’instituteurs, favorise la scolarisation massive des enfants des couches populaires ou pauvres, et leur accès gratuit aux cantines scolaires. Il construit également ou ouvre 10 000 écoles, de nombreuses universités populaires, 5 000 bibliothèques, etc.
Il lutte contre l’analphabétisme, dans un pays où ce fléau touche entre 30% et 50% de la population.
L’économie espagnole était essentielle agraire, elle-même dominée par le système féodal des latifundia. Le pays était dirigé par une monarchie conservatrice. L’Église exerçait un poids écrasant sur le pouvoir d’État et la société. La majorité de la hiérarchie militaire était entièrement dévouée à l’oligarchie, et fortement imprégnée d’une idéologie de caste. L’espérance de vie était de 50 ans, et au moins le tiers de la population était touchée par la pauvreté.
Les Républicains n’ont pas réussi à saper substantiellement la puissance des classes possédantes ultraconservatrices au sein de la société, de l’armée, de la haute administration, de l’appareil monarchique…
Ce qui permet à la Confédération espagnole des droites autonomes ( un regroupement de partis de droites) de gagner les élections législatives du 9 novembre 1933 et de régner jusqu’à fin 1935. Elle va remettre en cause plusieurs mesures du Front républicain, et réprime violemment les manifestations populaires, en particulier la révolte des Asturies en 1934 où les mineurs vont tenir tête pendant 18 jours au gouvernement central !
Les élections législatives suivantes, le 16 février 1936, ramènent la gauche au pouvoir avec la victoire du Front Populaire, une coalition des partis de gauche. Ils s’attellent, sans délais, à poursuivre la réalisation de leur programme. Mais ils ne jouirent que de six mois de paix relative. Ce fut la mobilisation de toutes les droites espagnoles, monarchistes en tête qui lancèrent de nouveau toutes leurs forces dans la bataille, en vue non pas seulement de saboter les mesures progressistes du Front populaire, mais aussi pour mettre fin à la nature républicaine nouvellement acquise du système politique espagnol.
Le coup d’état militaire de 1936 et la Guerre civile mettront un terme à cette période politique avec l'établissement de la dictature de Franco en 1939...
mais c'est une autre histoire
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