L’élection de Trump aux USA ouvre une série de questions que seul le temps et l’analyse permettront de résoudre. Parmi celles-ci l’une domine : allons-nous vers un retour de la vieille formule fasciste : un chef / un peuple ?

Bien sûr, Trump n’est pas Hitler ou Mussolini. On ne peut pas faire du copier / coller entre les USA d’aujourd’hui et la situation historique et politique des années 1930.

Bien sûr, il va falloir attendre l’intronisation de Trump en janvier, voir si dès les premiers jours de son investiture il applique ses promesses de campagne qui elles sont de type fasciste.

Mais comme disait Orwell le fascisme ne se présente jamais deux fois avec les mêmes habits. C’est pourquoi il faut chercher les particularismes actuels de la situation américaine.

Une chose est évidente, Trump a réalisé une sorte d’osmose avec une partie de la société américaine, sa frange la plus rétrograde, masculine, blanche, hétéro, suprémaciste. Cette osmose le place dans une position de chef.

Cela étant, pour instaurer un régime fasciste il faut encadrer le peuple et le diriger dans des structures qui entrent en concurrence avec l’État existant et les formes démocratiques en place. Hitler et Mussolini l’ont fait, plus Hitler que Mussolini d’ailleurs, ce qui confirme qu’il y a différentes formes de fascisme.

Trump ne l’a pas fait, il a laissé une large part d’auto-organisation à ceux qu’il appelle ses « supporteurs ». L’assaut du Capitole par l’auto-organisation de ses « supporteurs » lui a d’ailleurs permis de ne pas être accusé d’avoir délibérément organisé un putsch (comme Hitler à Munich).

Il est en revanche évident qu’il les a encouragés non pas à envahir le Capitole, mais à refuser le résultat des élections. Au fond, Trump a laissé d’autres que lui gérer les formes d’action.

Si on s’en tient aux effets, la limite est mince entre diriger et susciter. Mais en matière de fascisme, elle reste fondamentale. Dans le pas de deux qu’engagent les chefs avec la partie du peuple qu’ils veulent soumettre ou séduire, il y a souvent cette valse-hésitation entre chevaucher le tigre et le tenir en laisse.

Dans le cas des USA, il me semble que Trump tente de chevaucher le tigre.

Si on conçoit le fascisme comme un processus, chevaucher n’exclut pas de tenir ultérieurement en laisse.

Des vocations de dompteur peuvent se révéler dans le cadre d’un processus historique. De ce point de vue Franco en Espagne en 1936 est un bon exemple. Ce sont les évènements qui l’ont amené à épouser la forme du fascisme. Franco s’est rendu compte en 1934, après la révolte des Asturies qu’il lui fallait liquider (y compris physiquement) la gauche en Espagne.

Trump sera très vite confronté à un choix populiste ou fasciste. À ce jour rien ne dit que la pièce retombera d’un côté ou de l’autre.

Certes, Trump a été empêché dans son premier mandat par des institutions qui lui ont résisté.

Certes, ces institutions sont fragilisées aujourd’hui.

Mais la résistance à un processus fasciste n’est pas qu’une histoire d’institutions. Des millions d’Américains ne veulent pas du Trumpisme et résisteront à la mise en place de processus populistes ou fascistes.

Dans la forme édulcorée du fascisme qu’est le populisme, ce qui fait la différence c’est l’encadrement - ou pas - du peuple par les structures fascistes.

Si on prend l’exemple récent du président Milei en Argentine, nous avons l’exemple d’un populiste qui n’a pas encore franchi le pas vers un fascisme institué. Il le fera peut-être avec le soutien de l’armée, mais ce n’est pas encore effectif.

L’autre problème, c’est que le populisme ne précède pas automatiquement la mise en place du fascisme.

C’est un autre mode largement rétrograde et réactionnaire mais différent dans son exercice.

Le chef populiste peut se contenter de séduire le peuple, de l’aguicher. Le chef populiste à une relation de séduction / rejet avec le peuple il est sans cesse dans une relation de va-et-vient. C’est une relation presque sexualisée.

Le chef fasciste est lui, dans une relation de contrôle, de contrainte. Pour reprendre la même comparaison sexuelle, on pourrait dire qu’il jouit de la possession et de la soumission du peuple.

Si on compare les libidos de Trump et Hitler, on peut dire que l’un est un jouisseur alors que l’autre était reconnu comme impuissant.

Dernier élément enfin qui nous invite à être prudents et attentifs sur les processus en cours, le maréchal Pétain a fait don de son corps à la France en juin 1940, à 84 ans.

Comme quoi on peut se découvrir une pulsion de dictateur tardivement.