Une des particularités de l’actuelle campagne présidentielle est d’être marquée par des conflits salariaux à répétition. Rares sont en effet les corps de métiers, du public ou du privé, qui ne sont pas touchés par des revendications salariales.

D’ordinaire, pourtant, l’élection présidentielle en France est marquée par une sorte de « gel revendicatif », les programmes électoraux étant censés « catalyser » l’espoir de lendemains meilleurs.

Très souvent les conflits actuels sont alimentés par la question de l’inflation (augmentation générale des prix et perte du pouvoir d’achat), inflation que nombre d’économistes s’accordent à dire qu’elle va être mondiale et durable.

Romaric Godin, dans un remarquable article paru dans Médiapart, fait un parallèle entre la séquence inflationniste qui a duré entre 1919 et 1921 et la situation actuelle. Pour cela il s’appuie sur un livre de l’historien Adam Tooze : « Le déluge » paru aux éditions Les Belles Lettres.

Lorsque, fin 1918, la Première Guerre mondiale cesse, la demande de biens de consommation et d’équipements augmente. L’outil productif doit se réadapter aux temps de paix, ce qui génère de l’inflation.

En 2021 après les confinements, les ménages rétablissent brusquement leurs dépenses. L’outil productif mondial à l’arrêt depuis le début de la pandémie se retrouve fortement sollicité.

Adam Tooze et Romaric Godin montrent qu’en 1919 comme en 2021 le phénomène est mondial. Aujourd’hui, comme hier, rien ne semble arrêter la hausse générale des prix face à une offre incapable de répondre à la demande.

Le capitalisme de 2022 n’est bien sûr pas celui de 1919, il est entre autres condamné à une fuite en avant permanente où la puissance publique vient soutenir le profit.

Dans le contexte économique actuel, l’inflation menace les profits et réactive l’éternelle question : qui va payer la note ? Le travail ou le capital ?

C’est sans doute ce qui explique la réactivation des conflits salariaux et il est vraisemblable que cette séquence va durer le temps de l’inflation.

Dans un contexte similaire l’année 1919 avait été une des plus agitées de l’histoire sociale mondiale.

C’est en 1919 qu’est né le fascisme en Italie pour mettre fin au « bienno rosso ».

C’est en 2022 que renaissent des monstres fascisants ou fascistoïdes, avec la même fonction : rétablir l’ordre par la répression.

 

Références : Romaric Godin, « La récession de 1920 un dangereux modèle pour combattre l’inflation », article dans Médiapart du 9/2/2022. Adam Tooze « le déluge, 1916-1931, un nouvel ordre mondial » éditions Les Belles Lettres.