Comparer la réhabilitation de l’île de Mayotte à la restauration d’une cathédrale en dit long sur le projet. La comparaison avec Notre Dame et l’effort de la puissance publique que sa restauration a nécessité peut paraître sympathique. Mais la comparaison d’un milieu vivant et social avec un bâti humain montre que l’analyse des enjeux n’y est pas.
Tout d’abord parce que Mayotte n’a pas subi un incendie, un de ces accidents de l’Histoire qui peut affecter le patrimoine architectural. Mais un cyclone dont le changement climatique anthropocène va multiplier les épisodes et l’intensité.
Ce qui se joue ici c’est l’habitabilité de Mayotte, c’est l’habitabilité de la planète, qui est une question autrement cruciale que la conservation d’une cathédrale.
Ensuite la comparaison avec un fleuron architectural laisse penser qu’il va suffire de reconstruire des habitats bétonnés à coup de tractopelles juteux financièrement pour que la vie soit de nouveau possible à Mayotte.
Mais de quelles constructions parle-t-on ? Avec quels matériaux ? Pour quels habitants ? Dans quel environnement ? Avec quel projet ?
Comment ce projet va-t-il à la fois répondre aux enjeux climatiques et à la précarité d’une partie des habitants de l’île ?
La volonté politique sans faille que cherche à manifester la comparaison avec Notre Dame cache mal l’incapacité à coconstruire un projet avec les habitants de Mayotte.
Ce réflexe colonial rappelle que le choix de conserver Mayotte dans la République répondit avant tout à des intérêts militaires et financiers et que l’île ne bénéficia pas des mêmes investissements des pouvoirs publics que la métropole, contrairement à l’espoir des habitants qui optèrent pour la départementalisation de l’île.
Désigner les migrants, qui espèrent bénéficier des maigres avantages de ce département français, comme responsables de la situation de Mayotte, c’est mal dissimuler cet abandon et faire fi de l’Histoire.
L’habitabilité de Mayotte n’est possible que si le reste de l’archipel des Comores, des îles environnantes, des territoires africains limitrophes est habitable économiquement et écologiquement.
Mayotte est un symbole vivant, un phare qui nous avertit et nous rappelle que nos destins sont liés et qu’aucun endroit de la planète ne restera habitable sans que les autres le soient. Ils ne le seront que si nous passons des alliances entre pays et construisons un autre rapport à la nature.
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Pour un historique sur Mayotte, lire l’article paru sur Afrique XXI, « Mayotte, chronique d’une colonisation consentie », Rémi Carayol, avril 2023, version enrichie et actualisée d’un document publié par le Centre de recherches sur les sociétés de l’océan Indien à l’Université de la Réunion en 2008. Merci à une de nos lectrices de nous l'avoir indiqué.