Et si les citoyens se rendaient compte que les limites de l’État de droit sont en train d’être franchies ? Cette question, de nombreuses personnes ont dû se la poser lors de la soirée d’information organisée par La Cimade à Béziers le 18 janvier.

De mémoire de Biterrois on a rarement vu ça ces dernières années. C’est une Cimade remplie dehors et dedans qui a accueilli les orateurs venus informer sur les dangers de la loi immigration et le futur Centre de rétention administrative de Béziers (CRA).

Le temps de se serrer et de chercher les dernières chaises disponibles, la soirée a commencé par un exposé d’une avocate montpelliéraine spécialisée dans les droits des étrangers.

Après avoir écouté la longue liste des reculs démocratiques, sociaux, humains, sanitaires, économiques (il y avait 27 articles à l’origine du texte de loi il y en a 86 au final), il fallait se rendre à l’évidence cette loi immigration est inique, pour partie inapplicable. Elle vise avant tout à terroriser les étrangers pour les dissuader de venir en France où d’y rester.

En rendant la vie impossible aux personnes en situation irrégulière cette loi se moque des conséquences humaines, sanitaires et sociales pour les populations concernées et pour la société.

C’est un des paradoxes majeurs de cette loi. L’insécurité érigée comme règle va forcément générer des actes désespérés.

Le pari gouvernemental semble être (comme pour les chômeurs) un pari technocratique. Si on rend la situation impossible aux étrangers et aux chômeurs, ils ne viendront plus en France Pour les premiers, ils vont retravailler pour les seconds.

Pour ce qui concerne l’immigration tant que l’espèce humaine sera confrontée à la mort, la guerre, la famine, elle continuera à se déplacer.

L’autre donnée importante expliquée lors de cette soirée est la conséquence pour la société de l’insécurité volontairement générée par les pouvoirs publics.

Comment ne pas comprendre que l’insécurité subie sera extériorisée ou intériorisée ? Qu’elle va générer des passages à l’acte !

Finalement, on peut dire que dans la plus pure tradition totalitaire, l’extrême centre actuellement au pouvoir met en orbite le cycle infernal : loi qui alimente la répression.

Une forte délégation de salariés du barreau de Béziers ne s’y est pas trompée. Elle a exprimé son ressentiment dans la partie débat.

Pour ce qui concerne le futur CRA de Béziers, après quelques explications de base : terrain contigu au centre pénitentiaire du Gasquinoy donné par la mairie de Béziers au ministère de l’Intérieur, capacité « d’accueil » de 120 places, 220 policiers de la Police de l’air et des frontières (PAF) pour le faire tourner, 1500 audiences supplémentaires annuelles gérées pour le moment à moyen constant, audiences quotidiennes y compris le dimanche, 41 % d’audiences supplémentaires à prévoir au tribunal administratif, là aussi à moyen constant . . .

Deux salariés de La Cimade qui travaillent à Toulouse et à Bordeaux ont expliqué ce qu’était un CRA en général et vu de l’intérieur.

Il y a actuellement 26 CRA en France (dont 3 en outre-mer), ce qui représente 3000 places, l’objectif gouvernemental est de tripler cette capacité d’accueil.

L’expulsion des étrangers coûte actuellement 1,8 milliard d’euros, le coût global de la lutte contre l’immigration est de 8 milliards d’euros.

Dans la logique des chiffres chère aux ministres sarkozystes, on enferme dans les CRA des étrangers qui ne sont pas expulsables. Conséquence, en 2019, 20% des personnes enfermées ont été expulsées. La durée maximum de rétention est de 90 jours.

La construction de CRA représente une grosse manne financière pour les bétonneurs comme Bouygues. Il y a beaucoup de contentieux sur cet aspect immobilier. Ces contentieux sont de fait le début des mobilisations contre leur création.

À partir du moment où la rétention est effective, il y a 48 heures pour contester le placement et 24 h pour faire appel.

Avant la rétention, la préfecture doit prouver que l’on peut expulser la personne arrêtée, mais dans les faits, la politique du chiffre noie cette obligation.

Les personnes en rétention viennent de partout en France ce qui complique les tâches élémentaires de solidarité familiale ou communautaire.

La durée moyenne de rétention à Toulouse est de 23 jours, à Bordeaux elle est de 26 jours.

À Toulouse et Bordeaux 15 et 20 % des personnes retenues ont déjà fait un séjour en CRA. L’enjeu est bien entendu de les « écœurer ».

À Toulouse 66 % des retenus sont libérés, nationalement ce chiffre est de 50 %, les personnes éloignées représentent 26 % des retenus.

Nationalement, l’enfermement dans les CRA concerne 4 hommes pour une femme. Les CRA ne recevant pas d’enfants, les salariés de La Cimade ont vu des enfants être placés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) parce que l’un des parents était retenu.

Ce tableau édifiant du fonctionnement des CRA a bien sûr permis un échange sur la nécessité de s’organiser contre la construction et le fonctionnement du centre biterrois.

Nous vous informerons des suites qui seront données à cette organisation dans une ville où le maire a cet été, en toute illégalité, refusé de marier un ressortissant algérien pendant que le préfet l’expulsait quelques jours après.

Béziers, là aussi, était un laboratoire de la future loi immigration qui voit l’extrême centre et l’extrême droite faire alliance contre les fondamentaux de notre État de droit.

 

 

 

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