L'extrême droite s’ancre en France scrutin après scrutin et pourrait faire encore un score historique à l'élection présidentielle.  Face à cette perspective, il est plus que jamais nécessaire de rappeler l’histoire nauséabonde de l'extrême droite, pour comprendre d'où elle vient et où elle veut nous conduire.

L'histoire glaçante de l'extrême droite  (2ème partie) De la 1ère guerre mondiale à la création du Front National

L’un des plus terribles effets de la guerre de 1914-1918 est sans doute l’irruption d’un nouveau type d’extrême droite : le fascisme. Si ses idées nauséabondes ont été essentiellement appliquées en Italie et en Allemagne, elles ont connu un certain écho dans la France de l’entre-deux-guerres. Comme chez nos voisins totalitaires, l’extrême droite française a pu compter sur le soutien financier de quelques capitalistes effrayés par la « menace bolchevique ». Au combat électoral, les ligues préfèrent les combats de rue, surtout contre les communistes. Elles tiennent également de grands meetings et organisent d’inquiétants défilés paramilitaires. À partir du début des années trente, cette extrême droite se nourrit grassement de la crise économique et sociale, mais aussi de la faiblesse et des dysfonctionnements de la IIIe République. L’affaire Stavisky, ce scandale financier qui symbolise la crise d'un régime instable soupçonné de corruption,  est ainsi à l’origine des fameuses manifestations du 6 février 1934, organisées par toutes ces nouvelles ligues d’extrême droite, auxquelles on peut adjoindre un groupe plus ancien, Les Camelots du roi, sorte de bras armé de l’Action française de Maurras.
Deux ans plus tard, le Front populaire est porté au pouvoir et l’une de ses premières décisions est d’ordonner la dissolution de ces ligues d’extrême droite. Toutefois, cette interdiction ne suffit pas : à peine les Croix-de-Feu sont-elles déclarées hors la loi que le colonel de La Rocque les remplace par le Parti social français, qui devient vite un parti de masse, avec au moins 500 000 adhérents. Dans le même temps, Jacques Doriot, ancien maire communiste de Saint-Denis, crée le Parti populaire français, qui puise autant son inspiration dans l’Italie fasciste que dans l’Allemagne nazie. D’ailleurs, l’antisémitisme redevient un élément central du discours de l’extrême droite, qui déverse sa haine sur Léon Blum et ses origines juives. Dans son journal, Maurras qualifie Blum de « détritus humain » et appelle à le « fusiller, mais dans le dos ». Car l’extrême droite ne se limite pas aux ligues ni aux partis : elle dispose d’une presse pamphlétaire, avec Gringoire et Je suis partout. En définitive, lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, jamais l’extrême droite française n’a semblé aussi puissante. Ça promet !

Si l’on excepte le gouvernement « ultra » dans les années 1820, l’extrême droite française n’a vraiment exercé le pouvoir qu’entre 1940 et 1944, au temps de l’Occupation allemande et du gouvernement de Vichy. L’extrême droite a toujours prospéré sur les malheurs du temps : c’en est ainsi en 1940 quand, après avoir été balayée en cinq semaines par l’armée allemande, la France, par la voix chevrotante du maréchal Pétain, demande l’armistice à Hitler. Cette débâcle a des effets politiques dévastateurs : réunis à Vichy, le 10 juillet, les parlementaires votent à une très large majorité les pleins pouvoirs à Pétain, signant ainsi la mise à mort de la République et de la démocratie. Le nouveau régime apparaît comme une terrifiante synthèse de tous les courants d’extrême droite depuis 1789. Contre-révolutionnaire, il remet en question l’égalité des droits et les libertés fondamentales, au profit du respect des hiérarchies et de l’autorité. Clérical, il ne cesse d’honorer les prélats et de vanter l’éternelle France chrétienne, celle des clochers et des mères au foyer. Enfin et surtout, Vichy met en application l’idéologie d’exclusion de l’extrême droite ultranationaliste et antisémite, sous les applaudissements nourris de Charles Maurras pour lequel l’arrivée au pouvoir de Pétain constitue une « divine surprise ». Cette exclusion légale cible notamment les communistes, les francs-maçons et, bien sûr, les Juifs. Sans aucune pression de l’occupant allemand, le gouvernement de Vichy élabore dès octobre 1940 une première loi sur le statut des Juifs, les excluant notamment de la fonction publique et de la presse.

Aux yeux de certains Français éblouis par le nazisme, Pétain est trop modéré : c’est l’extrême droite « molle ». Ces fous furieux, appelés collaborationnistes, déversent leur haine dans d'insoutenables torchons antisémites comme Je suis Partout. Les plus déterminés, comme Jacques Doriot, chef du Parti Populaire Français, s’engagent dans la Légion des volontaires français contre le bolchevisme et partent combattre l’URSS aux côtés de la Wehrmacht. Sous l’impulsion de Laval, dauphin désigné de Pétain, le gouvernement de Vichy se rapproche de cette extrême droite « décomplexée » à partir de 1942-1943 : la police française se rend complice de la déportation des Juifs vers les camps d’extermination malgré les affirmations d'Eric Zemmour;  la Milice, organisation paramilitaire, devient l’auxiliaire des nazis dans leur traque des résistants, et certains collaborationnistes finissent même par entrer au gouvernement, comme Marcel Déat.

Au printemps 1944, la Libération provoque l’effondrement du dernier gouvernement d’extrême droite que la France ait connu. Mais la bête est-elle morte pour autant ?

En 1945, l'extrême droite, identifiée à Vichy et donc à la trahison et à la collaboration, est à genoux. Si certains collabos ont réussi à passer entre les gouttes de l’épuration, les principaux dignitaires de l’ancien régime, notamment Pétain, Laval et Darnand, fondateur de la Milice, ont été condamnés. Néanmoins, à peine le fascisme est-il vaincu que lui succède un néofascisme, fort heureusement confidentiel. On pense par exemple à Jeune Nation, mouvement fondé en 1949 par des pétainistes. Ce n’est cependant pas avec ces nostalgiques de l’Occupation que l’extrême droite refait surface, une dizaine d’années après la guerre, mais avec des petits-bourgeois réactionnaires et populistes, regroupés autour d’un papetier du Lot, Pierre Poujade. Son organisation, l’Union de défense des commerçants et artisans, fait ainsi son entrée à l’Assemblée nationale après les élections de 1956. Parmi la cinquantaine de députés élus figure le jeune Jean-Marie Le Pen, ancien d’Indochine. Celui-ci abandonne au bout de quelques mois son siège au Palais-Bourbon pour s’engager dans une nouvelle guerre coloniale, en Algérie cette fois. La guerre d’Algérie est d’ailleurs l’occasion pour les ultranationalistes de s’enflammer pour une nouvelle cause politique, et de créer, en 1961, l’Organisation armée secrète, qui multiplie les attentats au nom du maintien à tout prix de l’Algérie française. Les membres de l’OAS sont notamment défendus par l’avocat Jean-Louis Tixier-Vignancour, ancien sous-ministre de Pétain, et qui est, en 1965, le premier candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle, avec Le Pen comme directeur de campagne.

Si Tixier-Vignancour obtient un score non négligeable de 5 %, ce sont cependant des jeunes qui, à la même époque, incarnent le réveil de l’extrême droite. En 1964, se crée le mouvement Occident, auquel adhèrent des gamins nommés Gérard Longuet, Patrick Devedjian et Alain Madelin. En ces temps de guerre froide, Occident se définit avant tout par son anticommunisme virulent et fait régulièrement le coup de poing contre les jeunes trotskistes et maoïstes. Dissous après Mai 68, Occident renaît rapidement sous le nom d’Ordre nouveau, en hommage implicite au IIIe Reich. Violemment hostile aux immigrés, cette organisation décide, en 1972, de changer de stratégie et de passer du combat de rue au combat électoral. Les dirigeants d’Ordre nouveau s’emploient alors à fédérer les diverses composantes de l’extrême droite : anciens de l’OAS, étudiants nationalistes du Gud, anciens collabos de la division SS Charlemagne, et même anciens poujadistes, dont Jean-Marie Le Pen, alors retiré de la vie politique, mais qu’Ordre nouveau place à la tête du Front national, avec la certitude qu’il ne sera qu’un président éphémère, une simple tête de gondole pour les élections législatives de l’année suivante.

En fait, Jean Marie Le Pen est resté presque quarante ans le chef suprême du Front National avant de laisser sa place à sa fille Marine...

......mais c'est une autre histoire que je vous raconterai jeudi prochain

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