Souvenir, souvenirs !

par | 19 février 2023 | Société

Souvenirs, souvenirs !

En 1968, j’ai 16 ans et je suis en seconde au Lycée Henri IV à Béziers. La grève, je m’en souviens bien ! Nous allions tous les matins au lycée pour l’Assemblée Générale. C’étaient les classes terminales et les premières qui géraient « le conflit ». Nous, on était les « petits » mais on était présent et accepté !

Après l’AG quotidienne, on se répartissait les taches et on se réunissait ensuite par ateliers. J’ai le souvenir d’avoir participé à l’atelier « Le Français, en classe des seconde ». Nous étions réunis pour parler de l’année scolaire qui venait de se dérouler, des auteurs et des textes qui nous avaient intéressés et des autres. Avec les profs grévistes, on feuilletait le « Lagarde et Michard » en éliminant certains auteurs ou certains textes et en proposant d’autres textes et d’autres auteurs. On refaisait le manuel quoi ! Une expérience inoubliable où on avait la parole pour la première fois !

L’après-midi, c’était manif, tous les jours, sur les Allées Paul Riquet. On y retrouvait les filles car le Lycée Henri IV était un lycée de garçons. Une occasion d’organiser les activités du soir.

Car le soir, c’était boom ! comme on disait. On se réunissait chez l’un ou l’autre. Normalement chez celui qui avait un tourne disques (donc pas chez moi) pour écouter de la musique …anglaise ! Ce furent les premières amours, les premières expériences avec les filles, les premières discussions politiques, philosophiques, existentielles. On refaisait le monde, ce vieux monde de nos parents.

Un autre souvenir bien ancré dans ma mémoire. J’avais une mobylette Peugeot et je rentrais tous les jours chez moi avec. La Police biterroise était nerveuse. Evidemment, comme je n’ai pas marqué le Stop situé en face de l’ex Banque de France en descendant de la rue Victor Hugo, j’ai récolté ce jour-là ma première amende ! Ce sont sûrement mes cheveux longs qui les ont rendus aussi inflexibles devant mes vaines tentatives d’explications.

L’autre souvenir, c’était la pénurie d’essence. Mon père qui était boulanger, rue Lamartine, en face du Palais des Congrès, livrait le pain au centre AFPA de Béziers situé sur la route de Narbonne. Faute d’essence, il allait interrompre ses livraisons et m’a demandé si je pouvais lui en trouver auprès de ceux (mes copains d’après lui) qui bloquaient les stations et les dépôts. Je n’ai pas été peu fier de pouvoir le dépanner en lui ramenant quelques bidons !

Je ne me souviens plus très bien de la fin du mouvement. J’ai le souvenir, celui-là très vivace que j’ai passé le concours de l’Ecole Normale d’Instituteurs à Montpellier au mois de juin, que je l’ai réussi. J’allais quitter définitivement ce lycée où j’avais passé cinq ans !

Septembre 1968, c’est donc mon entrée dans le monde étudiant de Montpellier, le syndicalisme enseignant avec le SNI (Syndicat National des Instituteurs) qui intervenait à l’Ecole Normale et mon engagement dans la tendance Ecole Emancipée (Anarcho-syndicaliste), tendance majoritaire  à ce moment là dans la section héraultaise de ce syndicat. Je deviendrai même permanent syndical en 1974 pour une année scolaire après un an seulement au Collège des Aiguerelles (mon premier poste). Encore une expérience très riche, car ces années 70 furent fécondes en conflits sociaux et revendications sociétales. Je ne compte plus les défilés dans Montpellier pour obtenir la titularisation des auxiliaires, l’avortement libre et gratuit, la gratuité de la contraception, la libération de Puig Antich et tant d’autres combats militants.

Cette période ouvre pour moi un nouveau monde car on vivra forcément « Autrement », autrement dans toutes les moments de la vie car tout semble possible, même l’utopie. La création musicale est incroyable, variée, festive, imaginative, planante. On mange autrement (je découvre le bio, la macrobiotique, l’écologie, le pain complet !),  on fait la classe autrement (Freinet), on fait même naître nos enfants autrement (Naissance sans violence de Leboyer). On voyage autrement aussi (on a acheté notre combi VW en 1975). On se nourrit aussi des bouquins de Maspero, on découvre l’internationalisme, l’anti impérialisme, les mouvements de la paix, mais aussi l’anti fascisme, le Chili, le Portugal, la fin de Franco, les conflits sociaux (Lip), et j’en passe. On lit une autre presse (Charlie déjà, Hara Kiri, les revues de BD, La Gueule Ouverte, Libération). On regarde avec espoir et scepticisme une gauche qui se réconcilie et qui remportera l’élection présidentielle de 1981.

Depuis …..c’est la misère militante ! L’espoir déçu d’une gauche qui se social-démocratise, qui s’ultra-libéralise qui ne défend plus le camp social qui l’a porté au pouvoir.

Depuis…..on tente de préserver nos conquis sociaux avec beaucoup de difficultés. Les attaques fusent de partout, sécurité sociale, retraites, chômage, services publics, droits des femmes, droits des travailleurs. Les libertés les plus élémentaires  sont remis en cause par des lois de plus en sécuritaires. C’est le règne du privé, du profit, tout doit devenir marchandise la santé, la vieillesse, l’éducation, les êtres humains ! La capitalisme est sorti vainqueur d’une lutte des classes qu’il mène avec tous ses moyens.

Depuis…. la guerre n’a jamais cessé, le marché des armes se porte bien.

Depuis… les idées que l’on croyait enfouies dans un passé répugnant refont surface et lèvent la main pour montrer qu’elles sont prêtes à reprendre du service !

Depuis… je me demande ce qu’il nous a manqué, ce que nous avons accepté trop facilement, ce que nous avons raté, laissé faire.

Depuis… je me demande quel monde nous laissons à nos descendances et sans culpabiliser, je dois avoir ma part de responsabilité.

Depuis … je n’ai pas renoncé à dire, à dénoncer, à m’indigner !

Depuis … je suis encore en manif dans ce moment où on attaque une nouvelle fois notre système de retraite !

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