10 août 2016, des pompiers sont envoyés combattre un incendie à Gabian près de Béziers. Victime d’erreurs de leur hiérarchie et de matériel délabré, un professionnel va perdre la vie, 3 de ses camarades vont être gravement blessés.
L’omerta va durer presque 10 ans, mais fin mars 2025, 5 officiers supérieurs sont jugés devant le tribunal correctionnel de Béziers : jugés et condamnés ! Le procès de l’omerta a enfin eu lieu.
Des pompiers face à des pompiers lors d’un procès pénal, c’était une première en France. Deux officiers supérieurs étaient jugés pour des fautes relatives à l’organisation du SDIS de l’Hérault (Service Départemental Incendie et Secours), trois autres l’étaient pour des fautes opérationnelles le jour de l’incendie.
Dans ce qui va être dès le début une tentative de camouflage, les premiers jours du drame, le SDIS accorde la protection fonctionnelle aux officiers concernés, mais pas aux victimes (la protection fonctionnelle couvre notamment les frais d’avocat).
Alors que les victimes survivantes sont dans le coma, entre la vie et la mort, en raison de leurs brûlures. Les officiers supérieurs du SDIS s’organisent avec leur employeur, le département de l’Hérault, pour rejeter la responsabilité du drame humain sur les hommes de rang.
Mais une enquête judiciaire est ouverte par la section de recherche de Montpellier et c’est elle qui va faire éclater l’omerta interne.
Tout était pourtant organisé pour que les victimes soient accablées. Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du SDIS et l’inspection générale de la sécurité civile (deux structures censées être paritaires), avaient rendu des rapports accablants sur les victimes.
Les expertises judiciaires ont démontré le contraire. La responsabilité du pompier décédé a été totalement écartée. Si l’autoprotection du camion incendié n’a pas fonctionné, c’est à cause d’une panne. Le vieux camion délabré s’est rempli de fumées toxiques qui ont obligé les pompiers pris au piège à sortir du véhicule sensé les protéger.
Ils se sont alors retrouvés au milieu de flammes immenses qui les ont dévorés.
Le procès pénal a mis en lumière le fonctionnement d’une hiérarchie plus prompte à se défausser et à organiser le déni qu’à assumer ses responsabilités.
La procédure pénale a duré neuf ans, mais elle débouche sur une victoire pour le Syndicat national des sapeurs-pompiers professionnels (SNSPP) qui s’est constitué partie civile.
Une victoire contre une organisation quasi mafieuse qui a vu le colonel condamné continuer à monter en grade, jusqu’au plus haut niveau. En mai 2017, il a bénéficié d’une promotion au ministère de l’Intérieur en devenant l’un des 12 inspecteurs de la sécurité civile. Un inspecteur qui travaillait sur son propre rapport.
Dans la même défense de la hiérarchie, le pompier décédé n’a jamais eu les honneurs du ministre de l’Intérieur de l’époque. Bernard Cazeneuve était venu serrer la main du colonel inculpé sans un geste vers les 3 blessés qui étaient en urgence absolue, dans le coma, à l’hôpital.
Ce procès signe la fin d’une omerta organisée au plus haut niveau au sein du SDIS de l’Hérault.
Il signe aussi le début d’une rupture d’un « esprit de corps » qui voit la hiérarchie s’ auto-protéger contre la base.
Dans cette période où les vents mauvais s’accumulent contre l’État de droit, ce procès est à ranger avec ceux de l’A69 et de Marine Le Pen.
Il nous montre en plein une justice indépendante et en creux ce que serait la société si cette justice indépendante n’existait pas.
Une société où les puissants s’arrangeraient entre eux, pour maintenir leur classe et leurs privilèges.