Les prévisions d’économies calculées par l’État et par le Medef tiennent-elles compte des répercussions sur la qualité de l’environnement, de la santé de la population, de l’éducation ?
Qu’est-ce qui assure le bon fonctionnement d’une société dynamique ?
Une part importante de notre système social s’appuie largement sur le bénévolat, c’est-à-dire sur un travail non rémunéré que des citoyens exercent volontairement dans toutes sortes de domaines : culture, éducation, loisirs, sport, jardinage, reforestation… Un pourcentage très important de retraités s’y engage. Ils et elles transmettent des connaissances, interviennent dans la gestion d’organismes publics et d’associations, donnent des conseils, contrôlent, animent des collectifs.
Ces retraités actifs ont entre 60 et 80 ans et offrent durant une vingtaine d’années une collaboration bénévole.
D’autres retraités participent aussi à la vie sociale en agissant dans le cadre familial. Garde de leurs petits enfants, participation à leur éducation, accompagnement pour les loisirs extrascolaires et bien souvent aide financière à leur formation.
Même les retraités qui ne participent pas à la vie sociale ou familiale contribuent à leur insu à alimenter la machine économique en faisant des voyages, en participant à des jeux, en fréquentant des restaurants, etc. Leur argent travaille pour les entreprises (et l’État).
Économiser sur tout ça, est-ce faire des économies ?
Citons, à titre d’exemple, les noms de quelques organismes publics et privés qui comptent principalement sur le bénévolat, ou même n’existent que par lui : Les Restos du cœur, le Secours populaire, le Secours catholique, les Conseils d’administration des mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, les clubs sportifs, les jardins partagés, les associations de défense des consommateurs, les organismes de contrôle démocratique (par exemple surveillance de la distribution de l’eau dans les communes qui gèrent ce service), les gestionnaires de logement social (comme Habitat et humanisme). Et combien d’élus municipaux, départementaux, régionaux ? Aujourd’hui encore ce bénévolat est largement constitué de retraités actifs.
Qu’en sera-t-il demain si l’âge des retraites continue à reculer ? Depuis 25 ans, les justificatifs de salaires déclarés exigibles pour l’accès à la retraite sont passés de 37 ans à 40 ans, puis de 40 à 42, de 42 à 44, alors même que les périodes non travaillées s’allongent. D’une part chez les jeunes qui ont du mal à décrocher un premier emploi et d’autre part chez les personnes de plus de 50 ans, chômeuses de longue durée. Alors le bénévolat décroit et l’horizon du travail jusqu’à 70 ans se profile. Qui va assurer les services gratuits ? Vont-ils disparaître ou devenir payants et exclure les plus modestes ? Faut-il manifester ?
Pour une grève nationale des bénévoles ?
Il serait intéressant d’organiser une grève générale des bénévoles (ou des retraités bénévoles ?)
Une grève d’un mois permettrait de mesurer les dégâts sociaux et la baisse de qualité de vie qui en découle. Cette forme d’action nouvelle serait plus révélatrice qu’une manifestation de retraités ou une campagne de signatures, car les conséquences sur la population destinataire et sur l’environnement seraient immédiatement palpables. Cette action se joindrait utilement aux estimations en termes de coût que produisent les économistes atterrés * et les associations qui comptabilisent le nombre d’heures de travail effectuées par leurs bénévoles.
Il serait grand temps d’inventer de nouvelles formes d’action.
Les manifestations non violentes sur le climat ou sur les retraites ne dérangent ni le gouvernement ni les grandes entreprises. Elles n’entament pas leurs profits et il suffit de les éclipser du journal télévisé. Quant aux campagnes de « clics » sur internet plus elles se multiplient sur tous les sujets et leur contraire, moins elles ont d’impact.
* Les Économistes atterrés : nom d’une association qui a pour but d’impulser la réflexion collective.