Le décret du 17 février 1852, qui attribuait au gouvernement une autorité discrétionnaire sur la presse, est resté en vigueur pendant presque toute la durée du régime.
Les arguments mis en avant pour justifier cet état de fait sont d’autant plus intéressants à analyser qu’ils ont été publiquement exposés et théorisés.
Face à leurs détracteurs qui estimaient que la liberté publique de la presse ne faisait qu’un avec la liberté individuelle d’expression, les tenants du régime considéraient à l’inverse qu’il y avait une distinction essentielle à opérer.
L’un des théoriciens du régime dira que « le journal est un véritable pouvoir d’État, exercé sans délégation de personne et sans responsabilité ». La presse, selon une de ses expressions frappantes, est pratiquement « la rivale des pouvoirs publics ».
Les journaux étaient appréhendés dans cette perspective comme « des centaines de petits États dans l’État ».
Pour les Bonapartistes la presse est une puissance aristocratique dans un monde démocratique. Ils estiment pour cela tout à fait justifié de la contrôler ( à défaut de concevoir une élection des journalistes ).
On ne s’étonne pas que le régime ait un moment songé au lancement d’un journal bon marché susceptible de donner à la parole publique toute sa place.
L’espace public n’est jamais compris comme l’espace en travail, lieu d’interaction et de réflexion entre les groupes et les individus. Il n’est appréhendé que comme un espace figé par l’élection.
La liberté politique comme liberté publique, ne pouvait avoir aucune place dans ce cadre.
L’espace public figé par l’élection, cette définition du bonapartisme n’est pas sans nous rappeler l’actuel exercice du pouvoir par le président de la République.
Cet article termine cette série issue d'extraits de lecture du livre de Pierre Rosanvallon "Le siècle du populisme" publié dans la collection Points en 2021