Le plébiscite bonapartiste n’est pas qu’une simple technique de consultation du peuple.
C’est surtout une manière de réordonner la démocratie au travers du principe d’incarnation de la fonction politique.
Dès sa proclamation du 2 décembre 1851, Louis Napoléon avait ainsi considéré la mise en place d’un « chef responsable » comme la clef de son projet constitutionnel, ce principe de responsabilité ne prenant sens et forme que dans le cadre d’une personnalisation accrue du pouvoir.
« L’empereur n’est pas un homme, c’est un peuple. » Cette extraordinaire formule de l’un des principaux théoriciens du Second Empire résumera ce principe bonapartiste d’incarnation politique.
De manière encore plus condensée, un autre de ses partisans parlait de l’empereur, « élu de la démocratie française », comme d’un « homme-peuple ».
Il n’y avait plus, dès lors, de distance entre représentant et représentés.
Napoléon III ne faisait là que reprendre le dispositif mis en scène par son oncle, mais il l’a théorisé et organisé.
Il fallait un chef pour incarner la volonté populaire et la souveraineté du peuple était pleinement accomplie si elle prenait corps dans un homme fort et responsable.
Cette conception de la représentation-incarnation s’était appuyée chez lui sur une politique de la proximité dont il fut un des pionniers. Politique notamment illustrée par ses nombreux voyages pendant lesquels il sillonnait les provinces françaises à la rencontre directe de leurs habitants.
Napoléon III visitait les ateliers et les usines, parcourait les exploitations agricoles, inspectait les crèches et les hôpitaux, explorait les quartiers les plus pauvres. Il recevait des délégations, de notables certes, mais aussi d’ouvriers ou de paysans. Il assistait à des bals et à des banquets auxquels participaient des foules parfois considérables.
Les déplacements dans le pays étaient ainsi compris comme une forme de communication directe et de mise en scène démocratique de la souveraineté. Un juriste les considérera de façon parlante comme des sortes de « plébiscites continus ».
Un des effets de ces « plébiscites continus » était de réduire la participation du peuple à une forme d’adhésion festive dans laquelle il n’existe que sous l’aspect d’une masse unanime.
L’avènement de l’homme-peuple se prolonge dans la célébration du « peuple-Un ».
La conséquence immédiate d’une telle construction est que la pluralité est perçue comme une division inacceptable. Les partis sont uniquement appréhendés comme des factions menaçantes.
Le bonapartisme construit toute sa vision du politique autour d’un présupposé de l’unanimité sociale. Il ne veut connaître que le pays ou le peuple, toujours au singulier, comme si les Français ne pouvaient exister dans leurs différences sociales et politiques.
Le plébiscite jouait un rôle déterminant, il était appréhendé comme un rituel de l’unanimité.
Annonçant le plébiscite de 1870, Napoléon III rappelait : « Vous avez été presque unanimes, il y a dix-huit ans, pour me conférer les pouvoirs les plus étendus ; soyez aussi nombreux aujourd’hui pour adhérer à la transformation du régime impérial »
Cette recherche de l’adhésion / unanimité est une constante. Nous la rencontrons aussi dans la mise en scène de l’action politique du président de la République et du maire de Béziers.
Compte tenu des vacances scolaires le prochain épisode de cette série sera mis en ligne le 9 mai 2023