Cinq femmes face à nous, dans la salle de la CIMADE, vendredi 6 mai 2022. Houda, Malika, Najet, Nadia, Sonia. Elles prennent la parole tour à tour avec émotion et gravité. Derrière elles sont affichés les visages souriants de Mohamed G., Idir, Mohamed B., Bilal.
Najet, Malika et Nadia nous racontent les faits : la mort de leur fils, leur sidération, leur combat. Elles choisissent avec précision chacun de leurs mots.
Najet dont le fils Idir est mort au mitard de la prison de Lyon-Corbas le 9 septembre 2020.
Malika dont le fils Mohamed est mort en garde-à-vue à Chambon-Feugerolles, dans la Loire, le 6 juillet 2009.
Nadia dont le fils Bilal est mort à la prison des Baumettes à Marseille le 10 août 2017.
Comme Houda Gabsi juste avant, elles relatent leur recherche de la vérité.
Décrivent leur lutte au quotidien pour que justice soit rendue. On dit à toutes les trois que leur fils s’est suicidé. La police a déclaré, par exemple, que Mohamed B. s’était pendu en cellule : avec un morceau de matelas déchiré, enfilé dans un trou qu’il aurait creusé avec ses doigts dans un mur de placoplâtre. Ce trou étant à 1m30 de hauteur, il se serait pendu assis, les fesses posées au sol ! Et il aurait accompli tout cela en 2 minutes.
Lorsque ces mères font appel à la justice, elles sont face à des classements sans suite, des non-lieux. Se heurtent à des murs. Leur parcours est long, leurs difficultés grandes et les obstacles nombreux.
Houda, Malika, Najet, Nadia et Sonia m’ont beaucoup touchée. Leur douleur, leur détermination aussi.
A la CIMADE, à ce moment-là, j’ai ouvert les yeux sur un mur de violences, d’injustices, de racisme ! J’avais, bien sûr, connaissance de violences policières ou de violences en prison, je savais que le racisme existait, mais c’était toujours un peu abstrait, un peu loin. Là, cela prenait corps devant moi. A travers la voix, le visage, l’émotion de ces femmes, le sourire de leur fils affiché derrière elles aussi.
Comment pouvons-nous concevoir, accepter que ces violences soient couvertes, que ces familles vivent une telle injustice, que même leur demande de vérité soit niée ?
Et comment les aider ? Une phrase prononcée par Houda au tout début de la soirée me revenait :
« On n’est que de passage sur cette Terre, on n’emportera rien avec nous, à part la main qu’on n’aura pas tendue. »
Entretien d'EVAB avec les trois mamans ICI