Je me souviens du MLAC (Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception) à Béziers.
En avril 1971, à l’issue de la parution du manifeste des 343 femmes ayant écrit qu’elles avaient avorté clandestinement puis de celui, en 1973, des 331 médecins déclarant avoir pratiqué des avortement, le Planning familial, le Mouvement de Libération des Femmes et le groupe Information Santé ont proposé une action de désobéissance civile qui consistait à effectuer des avortement clandestins .
Dans le cadre du planning familial, un groupe MLAC s’est formé à Béziers, constitué de militant.es associatifs, d’enseignant.es et de lycéennes et lycéens.
Les contacts avec les médecins biterrois ont été négatifs, tous ont refusé d’en faire. Seul, un interne de l’hôpital a accepté de pratiquer ces avortements avec nous. Cependant, malgré leur refus, cela n’a pas empêché les médecins biterrois d’envoyer les femmes désirant avorter au MLAC. Chaque semaine, plusieurs prenaient contact avec nous et un soir par semaine, dans les locaux du planning familial, nous organisions une réunion.
Il y avait en fait deux solutions pour les femmes : soit prendre un bus pour se rendre en Hollande accompagnées par des personnes du groupe, soit avorter clandestinement sur place à Montpellier. La décision des femmes se prenait collectivement, avec beaucoup de solidarité. Ces décisions étaient importantes parce que si les avortements étaient gratuits à Montpellier, en revanche ceux effectués en Hollande généraient des frais. Mais chaque semaine des femmes et certaines d’entre nous se rendaient dans une ville hollandaise au bord de la mer et les avortements se faisaient un peu à la chaîne, suivant la méthode Karman, appelée aussi méthode par aspiration. Nous revenions ensuite à Montpellier après un petit shopping dans les rues de la ville. Dans ce bus toutes les générations de femmes (de 16 ans à 40 ans) se croisaient, se parlaient, se donnaient des conseils.
A Montpellier, les avortements se faisaient dans les locaux de la MNEF, encadrés par des médecins et des militant.es du MLAC, tous les 15 jours pour le groupe de Béziers, avec chaque fois 3 ou 4 interventions par soir. Il existait également un groupe à Montpellier. La stérilisation du matériel était prise en charge par les internes montpelliérains. C’est aussi la méthode Karman qui était utilisée, sans aucune séquelle chez les femmes qui y ont été soumises.
Parallèlement, le groupe militait, collait des affiches, distribuait des tracts pour informer et soutenir le projet de loi qui allait être discuté au parlement. Avait été réalisé en 1973, par Marielle Issartel et Charles Belmont, un documentaire français, « Histoires d'A » militant pour la libéralisation de l’avortement et de la contraception. Ce film, bien qu’interdit par le gouvernement fut diffusé dans les locaux de la MJC biterroise de l’époque en présence d’une centaine de personnes.
Le groupe s’est dissous au lendemain du vote de la loi Veil.
Lors d’une action de désobéissance civile, on sait que l’on prend des risques mais c’est la force de la conviction qui nous guide.. Nous avons surtout pris conscience du type de risques une fois que l’on a arrêté les avortements. Nous étions un groupe nombreux sur Béziers et aucun.e d’entre nous n’a été inquiété.e par la police.
Si nous étions heureuses et heureux que la loi soit votée, nous avons surtout ressenti un très grand soulagement parce que ce fut, pour nous, une période très stressante, à l’issue de laquelle certaines d’entre nous ont créée un groupe femmes sur Béziers…. mais cela vous sera raconté le 8 mars 2025.