« Ce n’est pas le genre de la maison de déléguer, cela manquerait de panache. Quand on est maire, on assume ses actes jusqu’au bout. »
Telle fut la réponse d’Emmanuelle Ménard lundi 7 avril 2025 aux critiques des élus de l’opposition qui reprochaient à son époux, maire de la ville, de demander la protection fonctionnelle dans le cadre de deux affaires dont la première, et non la moindre, est d’avoir refusé de marier un couple franco-étranger au motif que l’un des potentiels époux résidait sur le territoire sans titre de séjour. Demander la protection fonctionnelle au conseil municipal signifie demander que ses frais de justice soient pris en charge par la collectivité, c’est-à-dire par les impôts de tous. Le panache eut un autre élan si le premier magistrat de la ville avait accepté de prendre en charge lui-même ses dépenses de justiciable : assumer certes, sauf les frais… En effet, M. Ménard sait pertinemment qu’il sera condamné dans la mesure où il s’est mit volontairement et en toute connaissance de cause hors-la-loi, continuant d’alimenter sa croisade idéologique dont les personnes migrantes font trop souvent les frais, eux. L’inversion de la signification si bien décrite par Orwell fonctionne à plein : Ménard joue la victime en arguant la désobéissance civile alors qu’il est lui-même en charge de faire respecter la loi. Et si désobéissance civile il y avait, elle aurait pour fonction de faire respecter des droits fondamentaux, celui de vivre en famille par exemple, et non de les bafouer. Cette nouvelle péripétie ménardienne ne serait pas grave si au milieu, ne se trouvait pas un couple qui ne demandait qu’à vivre tranquillement et qui se retrouve séparé par 1200 km.
La deuxième affaire pour laquelle Robert Ménard réclame la protection fonctionnelle concerne une plainte de l’association La Cimade relative à des propos tenus par le même Ménard sur les ondes de RMC le 12 février 2024 (1). Ces paroles étaient une réaction à la proposition gouvernementale de modifier l’accès à la nationalité française pour les résidents de Mayotte. Je cite : « Il y a un certain nombre d’associations sur place à Mayotte, je pense à Mayotte Solidarité ou à la Cimade, la tristement célèbre Cimade, qui sont des gens qu’on finance et qui touchent plus d’argent quand il y a plus de gens qui rentrent dans les pays, c’est à dire plus il y a de clandestins qu’ils accueillent plus ils touchent d’argent de l’état français. (…) Je le vois dans ma ville. Ils sont là pour contourner les lois que la république met en place (…). » Si Ménard était jugé sur la qualité de sa langue, La Cimade risquerait de toucher le pactole. On peut légitimement se demander si ces déclarations relèvent des fonctions du Maire de Béziers, ou si on contraire le militant politique de l’union des droites ne pourrait pas faire preuve de panache en réglant lui-même les frais de justice que risquent de lui coûter ses paroles. Là encore, on nage en plein roman orwellien quand ce sont les associations dont la fonction première est de faire respecter le droit d’être accusées de l’enfreindre.
Tous cela prêterait à sourire si ces paroles, ces propos, ces postures ne cachaient pas une véritable guerre culturelle qui a pour conséquence de cliver la population sur le dos des étrangers. Robert Ménard crée un climat de peur et de violence. Il sait qu’il trouvera toujours des convaincus pour transformer cette violence en actes. Les policiers municipaux qui ont assassiné Mohamed Gabsi le 08 avril 2020 en sont un bon exemple. Du 08 avril 2020 au 07 avril 2025 : c’est un anniversaire que nous fêtons… La famille de Mohamed Gabsi n’aura pas droit à la protection fonctionnelle mais depuis cinq ans, elle attend.
(1) Écouter l’entretien :