L’extrême droite s’est spécialisée dans la récupération mémorielle. Le maire de Béziers ne déroge pas à la règle.
La famille de Jean Moulin a légué à la ville de Béziers une partie des dessins que le résistant avait réalisés sous le nom d’emprunt de « Romanin ».
Elle risque de le regretter.
Sur les 500 dessins réalisés par Jean Moulin, 13 représentent la tauromachie et des scènes de corrida. Avec un tel quota ( 13 pour 500 ). On peut difficilement dire que Jean Moulin était un « Aficionado ». C’est pourtant ce qu’a déclaré le maire de Béziers, lors de l’inauguration de l’affiche de la féria 2024.
Pourquoi une telle falsification ?
L’extrême droite idéologique à laquelle appartient le maire de Béziers, abonde dans la récupération mémorielle. Sa volonté est de construire un récit fictif dans lequel une personne ou un combat est détourné de son objectif initial.
Très tôt à Béziers, la figure de Jean Moulin a été récupérée pour sa résistance au nazisme.
Pour l’extrême droite, peu importe si cette résistance était initialement liée au nazisme, donc à une forme de l’extrême droite. Pour le maire de Béziers, la figure de Jean Moulin vaut pour une très large et très subjective résistance à toutes les oppressions.
La manœuvre est habile, elle vise à déclassifier une résistance emblématique ( celle au nazisme ) pour la noyer dans une multitude d’oppressions.
Une oppression majeure est ainsi mise au même niveau que des oppressions mineures.
Avec cette stratégie de communication, le maire de Béziers utilise la récupération mémorielle pour briser des « plafonds de verre » et désenclaver les idées dans lesquelles l’extrême droite s’était enfermée en revendiquant par exemple, les idées du nazisme.
À l’issue de ce processus Jean Moulin devient un résistant à l’ordre établi : comme le maire de Béziers.
Ce qui est visé, le but ultime, c’est l’équation : Moulin = Ménard.
Si elle n’est pas dénoncée, cette récupération mémorielle participe à la « dédiabolisation » des idées d’extrême droite et à la mise en place d’un nouveau narratif qui occulte les fondements de cette pensée.
Curieusement, ce travail de dénonciation n’a pas été fait ni par les descendants de Jean Moulin ni par les associations et partis autour de la récupération de la figure de Jean Moulin comme résistant.
Cette dénonciation est cependant engagée autour de l’affiche de la féria de Béziers 2024.
Cette affiche reprend un dessin de Jean Moulin présenté comme pro corrida le jour de l’inauguration.
Localement, l’association Colbac s’est indignée, comme le conseiller municipal Thierry Antoine.
La FLAC ( Fédération des luttes pour l’abolition des corridas ) a décidé de contacter un descendant de Jean Moulin.
Gilbert Benoit, époux d’une descendante de Jean Moulin a rédigé cette réponse : « Je peux vous confirmer que tous les membres de la famille que j’ai interrogés sont farouchement opposés aux pratiques de la tauromachie sanglante. Tauromachie sanglante que Jean Moulin n’a certainement jamais ‘’adoré’’. »
Contacté par France 3, Gilbert Benoit rajoute : « Si on avait su que ça prendrait une telle tournure, nous aurions probablement refusé de donner notre accord. En fait nous souhaitons absolument éviter toutes récupérations partisanes et politiques de la vie de Jean Moulin. »
Nous savons par expérience que l’extrême droite s’arrête quand elle y est obligée.
Le fait que la mairie de Béziers ait supprimé la contrepèterie rédigée en bas du dessin par Jean Moulin pour préciser son point de vue méritait un procès.
Aucun recours ne sera engagé par la famille contre la mairie de Béziers.
C’est dommage, mais nous ne pouvons que nous féliciter de ce début de Front Uni contre la récupération mémorielle de Jean Moulin par la municipalité de Béziers.