Au moment où de nouvelles formes de fascisme prospèrent dans le monde, je vous propose un tour d’horizon européen d’expériences fascistes, à partir de quelques dates clés. On commence par le cinquantième anniversaire de la mort de Franco en s’interrogeant sur son impunité.
1975, fin du franquisme ? Acte 2 : la mise au ban
En 1946, dix ans après le coup d’État militaire, la « question espagnole » occupe l’agenda des gouvernements alliés, des organisations politiques et syndicales nationales et internationales.
Les jours du franquisme semblent comptés.
Au cours de sa première année d’existence, l’ONU, fondée en juin 1945, consacre 11 réunions et 3 résolutions de son Conseil de sécurité à la « question espagnole ». Entre avril et mai 1946, plusieurs sessions de son Assemblée générale aboutissent à la résolution du 12 décembre 1946.
L’ONU y condamne sans appel le régime franquiste. Il est écrit qu’il doit être écarté « des affaires internationales » et « exclu des organisations affiliées à l’ONU ». Les ministres plénipotentiaires accrédités et les ambassadeurs en poste à Madrid doivent être rappelés dans leurs pays respectifs.
En clair l’Espagne franquiste est au ban des nations.
Elle se retrouve exclue du Nouveau Monde en recomposition tel qu’il se projette dans l’immédiat après-guerre.
Dès la conférence de Potsdam, le 2 août 1945, les USA, l’Angleterre et la Russie déclarent : « nous n’appuierons pas la candidature du gouvernement espagnol actuel qui, établi avec l’aide des puissances de l’Axe, ne possédait pas, en raison de ses origines, de son caractère et de son association étroite avec les pays agresseurs, les qualifications nécessaires pour justifier son admission parmi les Nations unies ».
Une note tripartite signée par les USA, l’Angleterre et la France le 4 mars 1946 confirme cette position de principe.
Les États-Unis s’inquiètent eux que l’Espagne puisse constituer un repaire de nazis au moment où ils poursuivent les criminels de guerre.
Un hiatus existe toutefois et ne va faire que s’amplifier.
La scène internationale reconnaît la légalité et la légitimité du combat mené par la République espagnole, mais elle ne reconnaît pas le gouvernement républicain en exil.
La fin du pouvoir de Franco en Espagne faisait donc l’unanimité au sein des Nations-Unies à la fin des années 1940. La condamnation morale, juridique, historique, politique du franquisme semblait actée.
Mais la bipolarisation du monde entre Est et Ouest s’affirme dès 1947. Cette bipolarisation entraîne le revirement des États-Unis au travers de la résolution de l’ONU du 4 novembre 1950.
Cette résolution maintient la condamnation morale ? mais abroge les recommandations qui mettaient l’Espagne au ban des nations.
L’envoi d’ambassadeurs à Madrid est immédiat, il est suivi de l’intégration de l’Espagne à l’UNESCO en 1952.
La signature de coopération militaire avec les USA en 1953 invite officiellement le franquisme dans le camp des nations occidentales, avant son admission à l’ONU en décembre 1955 aux côtés de 16 nouveaux membres.
La réhabilitation de Franco semble complète. La longévité de son régime reste une tache indélébile parmi les contradictions du nouvel ordre mondial.
Les motifs moraux, historiques, juridiques ne sont pas théoriquement remis en cause. Ils autorisent leur résurgence sur la scène internationale et nationale. Le spectre du franquisme hante l’Espagne et le monde, mais ce spectre continue de gouverner d’une manière totalitaire.
Cette dichotomie internationale va provoquer sur le plan intérieur la volteface idéologique du PSOE et du PCE bien avant le pacte de la Moncloa.
À l’instar des grandes puissances mondiales, les deux partis historiques de la gauche espagnole vont opérer un virage stratégique qui vise à obtenir leur légalisation intérieure au nom de la théorie des torts réciproques ayant provoqué la guerre civile.
Insensiblement, la fin immédiate du franquisme n’est plus d’actualité pour une partie de la gauche espagnole.
Nous verrons comment et pourquoi dans le prochain épisode de cette série, la semaine prochaine.