Au moment où de nouvelles formes de fascisme prospèrent dans le monde, je vous propose un retour en arrière sur quelques dates clés qui ont toutes assuré sa pérennité. On commence par le cinquantième anniversaire de la mort de Franco en s’interrogeant sur son impunité.
1975, fin du franquisme ? acte 1 : organisation de l’impunité
Le général Francisco Franco, meurt le 20 novembre 1975 après avoir gouverné pendant près de 40 ans l’Espagne comme un dictateur.
Il n’a pas été jugé et ne le sera jamais.
Sa dépouille a longtemps trôné dans un mausolée, la basilique de Valle de los Caïdos, construit par des prisonniers de guerre républicains.
Sa tombe attirait chaque 20 novembre des nostalgiques qui le saluait d’un salut fasciste et d’une messe.
En octobre 1919, le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez organise le transfert de son cercueil dans le caveau familial.
La mémoire de celui qui avait affirmé être prêt à tuer la moitié du pays au nom de la croisade et de la reconquête contre « les rouges » n’est pas bannie en Espagne. Une fondation éponyme subventionnée jusqu’à il y a peu par l’État espagnol porte son héritage, elle est valorisée par nombre d’Espagnols rétifs à remuer les cendres du passé.
Comment peut-on refuser encore de condamner la mémoire d’un dictateur parvenu au pouvoir grâce aux avions d’Hitler et des troupes de Mussolini, après 3 ans d’une guerre civile provoquée par le putsch militaire du 18 juillet 1936 ?
C’est ce que nous allons tenter de comprendre en remontant le fil de l’histoire depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Comment et pourquoi quand tous les fascismes semblaient battus il est resté le Franquisme en Espagne et le Salazarisme au Portugal.
Comment et pourquoi la persistance de ces régimes a permis au fascisme de se maintenir et de se restructurer partout en Europe.
En dépit d’un statut oscillant entre la neutralité et la non-belligérance, l’Espagne franquiste fut considérée en 1945 comme une alliée de l’axe, tout en étant ménagée face au nouveau conflit qui s’annonçait contre le stalinisme.
Franco ne fut jamais mis sur le banc des accusés ni réellement inquiété.
Aux dynamiques de cette double sortie de guerre, s’ajoutèrent à la mort de Franco les dynamiques de sortie d’une dictature longue de près de 40 ans.
L’après-franquisme disait vouloir nouer trois logiques, trois motivations profondes qui portent sur la réconciliation : la soif de justice, le besoin de régler le passé et le désir de construire un nouvel avenir.
De fait la réconciliation nationale menée à la mort du dictateur a surtout permis de construire un nouvel avenir en niant la soif de justice et le besoin de régler le passé.
C’est cette impasse qui mine aujourd’hui la démocratie espagnole et qui peut refaire demain le lit du fascisme dans ce pays.
Je vous propose au fil de quelques épisodes de revenir sur les circonstances qui ont précipité les choix de l’après franquisme.
Ces choix nous apprennent deux choses : le combat contre le fascisme est un combat permanent, il ne peut pas être délégué à la bourgeoisie.
La semaine prochaine nous commencerons à repérer par quelles conjonctions le franquisme a pu passer l’écueil de la fin de la seconde guerre mondiale.
Pour construire ces épisodes je me suis appuyé sur la lecture du livre de Sophie Baby « Juger Franco ? impunité, réconciliation, mémoire » paru aux éditions La Découverte en mars 2024. Je vous en recommande l’achat et la lecture globale.