Au moment où en France et dans le monde la droite extrême et l’extrême droite remettent en cause l’État de droit, il est temps de se rappeler comment le fascisme procède pour le supprimer. En Italie, l’assassinat du député socialiste Giacomo Matteotti aurait pu signifier la fin du fascisme. À l’inverse, il a signifié la fin de l’État de droit.
Italie 1924 : meurtre de Matteotti (5) l’hallali
20 juillet 1925, un an après le meurtre de Matteotti, un mois après le congrès du Parti national fasciste, Giovanni Amendola leader de l’opposition de droite, figure de l’opposition démocratique connue sous le nom de « sécession de l’Aventin », se trouve à Bagni di Montecatini, station thermale huppée et renommée où il fait une cure.
Amendola est installé au grand hôtel « la pace ».
À l’inverse de son appellation, le jardin du grand hôtel « la pace » est envahi de jeunes hommes sur le pied de guerre.
Les squadristes de la région qui sont parmi les plus féroces fascistes de Toscane ont assiégé l’hôtel après avoir appris qu’il hébergeait Giovanni Amendola.
Amendola,, le principal objet de leur haine depuis l’assassinat de Matteotti.
Le leader de la droite est contraint de s’enfermer dans sa chambre, protégé par 3 carabiniers.
Ces derniers mois ont été un véritable calvaire pour Amendola. Cela fait maintenant un an que les parlementaires qui se sont retranchés par protestation sur l’Aventin espèrent une intervention du roi pour mettre fin au gouvernement de Mussolini.
Mais depuis un an le roi Victor-Emmanuel III n’a pas eu la moindre réaction.
Amendola s’est obstiné dans une opposition inactive mais inflexible, inébranlable mais immobile.
Dans sa protestation non-violente, il a la conviction qu’il importe de détourner les masses populaires de la lutte contre le fascisme. Il espère obstinément que le roi va nommer un nouveau gouvernement.
Amendola est enfermé dans sa chambre. La direction a bloqué les entrées, mais un certain nombre de chemises noires tentent d’escalader le mur, tandis que d’autres lancent des pierres sur les fenêtres.
Assiégé depuis le matin du 20 juillet, Amendola accepte de se mettre à l’abri dans l’après-midi. Cette issue lui est offerte par Carlos Scorza chef fasciste de la province voisine de Lucques.
Accouru précipitamment à Montecatini pour conjurer le péril d’une autre affaire Matteotti, Scorza n’est pas un génie. Au vu de la tension existante il comprend assez vite que la mort d’Amendola peut être un problème pour Mussolini.
Il propose une sortie en catimini. Le chef de l’opposition de droite s’enfuira par une sortie secondaire, en cachette escorté par des miliciens fascistes qui le protègeront d’autres miliciens fascistes.
À la gare de Pistoia, un train doit conduire le fugitif, jusqu’à Rome.
Amendola quitte l’hôtel, monte dans une voiture pour se rendre à la gare. À la sortie de la ville de Montecatini un tronc d’arbre barre la chaussée. Une dizaine d’ombres sortent du fossé. La vitre arrière explose sur le visage d’Amendola. D’instinct, il lève le bras pour se protéger la tête, découvrant son flanc gauche.
C’est le moment où une pointe de lance se fiche dans ses côtes. Les agresseurs veulent s’acharner et le tuer mais deux voitures arrivent en sens opposé.
Sans le vouloir elles mettent fin à l’embuscade.
Le lendemain, Victor-Emmanuel III en qui Amendola et ses proches ont placé tous leurs espoirs est informé des circonstances, des faits et de l’identité des personnes impliquées dans la tentative de meurtre.
Une fois de plus, il ne bronche pas, il ne lève pas le petit doigt.
La semaine prochaine nous clôturerons cette série par un dernier épisode qui rendra compte de la capitulation démocratique et de la fin de l’État de droit en Italie pendant une durée de 20 ans.