Au moment où en France le ministre de l’Intérieur, des sénateurs et députés remettent en cause l’État de droit, il est temps de se rappeler comment le fascisme procède pour le supprimer. En Italie, l’assassinat du député socialiste Giacomo Matteotti aurait pu signifier la fin du fascisme. À l’inverse il a signifié la fin de l’État de droit.
1924 : meurtre de Matteotti (1) le tournant
Fin octobre 1922, la marche sur Rome porte au pouvoir les milices fascistes.
Pendant quasiment deux ans, comme le fait actuellement Trump aux USA, les fascistes minent consciencieusement l’État de droit par l’attaque systématique de ses fondements.
La bascule vers un État totalitaire s’opère à partir de l’été 1924. Le 16 août 1924, le corps du député Giacomo Matteotti, assassiné par les fascistes est retrouvé dans la campagne romaine.
Matteotti appartenait à la tendance modérée du socialisme italien. Il a bataillé avec courage contre les exactions fascistes dans sa circonscription où il protégeait les paysans sans terre des miliciens de Mussolini.
À la Chambre des députés, il prononce plusieurs discours virulents. Le 30 mai 1924, il dénonce une nouvelle fois les violences, les fraudes et les atteintes aux libertés du régime qui est en place depuis moins de 2 ans. Le 10 juin 1924, il est enlevé à deux pas de son domicile romain, son corps est retrouvé sans vie 2 mois plus tard.
Contrairement aux idées reçues, la bascule vers la dictature n’est pas automatique. Elle est même fragile. Pendant les 6 mois qui vont suivre le pouvoir du « Duce » vacille.
Les assassins de Matteotti sont jugés et condamnés, les dirigeants considérés comme responsables sont éloignés du pouvoir. Le parlement est abandonné par les députés. La droite libérale comprend qui est Mussolini. Mais tous attendent que le roi tranche. Il ne tranchera pas.
Mussolini nie avoir ordonné l’élimination du député, mais il déclare le 3 janvier 1925 assumer la responsabilité politique, morale et historique de tout ce qui s’est passé.
Non content de ne pas être démis de ses fonctions de président du Conseil à l’issue de cette déclaration, Mussolini va renforcer la dictature dans l’année qui va suivre avec les lois dites « fascistissimes ».
L’entièreté de la Chambre des députés savait pourtant que le groupe dirigeant fasciste, Mussolini lui-même, son frère Arnaldo et divers hiérarques du régime avaient été mêlés au cours des années 1921 / 1924 à plusieurs affaires de pots-de-vin.
Matteotti avait une connaissance précise de ces malversations. Dans l’entourage de Mussolini, on le savait et on craignait que le député fournisse les preuves de cette corruption.
Il est aujourd’hui acquis que Giovanni Marinelli, secrétaire administratif du parti fasciste, Filippo Filippelli, interlocuteur avec le monde des affaires, Amerigo Dumini, Aldo Finzi, Cesare Rossi, le général Del Bono ont organisé cet assassinat et ont couvert Mussolini.
La responsabilité personnelle de Mussolini n’a pas pu être prouvée, mais on se demande comment dans une organisation pyramidale de type fasciste, il n’a pas (au minimum) donné le feu vert à l’élimination de Matteotti.
Dans cette nouvelle série de quelques épisodes, je vous propose de nous attarder sur les séquences qui ont suivi l’assassinat : le moment où le pouvoir vacille et le moment où le pouvoir se renforce.
Cet entre-deux nous apprend une chose, le fascisme pour disparaître doit être combattu. Dans ce combat la société civile doit être en pointe et exiger que le pouvoir politique garantisse l’État de droit. Attendre qu’un roi ou qu’un président nous protège du fascisme est suicidaire.
Les Italiens ont payé au prix fort 23 ans de fascisme, pour avoir ignoré cette évidence. Mon souhait en écrivant cette série de quelques articles est que le passé serve au présent. En France comme aux USA il n’est pas trop tard pour combattre et éradiquer le fascisme.
Pour cela, je me suis appuyé sur le l’excellent livre d’Antonio Scurati « M, l’homme de la providence » édité aux éditions « Les Arènes », paru en 2021. Il est vendu 25 euros et compte 660 pages. Je vous en recommande vivement l’achat et la lecture.