Le 31 juillet 1914, voilà 108 ans, Jean Jaurès est tué d'un coup de revolver dans le café du Croissant, à Paris. L'assassin du leader socialiste est un déséquilibré de 29 ans, du nom de Raoul Villain, qui lui reproche d'être opposé à la mobilisation générale et à la guerre imminente contre l'Allemagne.
On est à la veille de la Première Guerre mondiale. Jaurès, fondateur et directeur de « L’Humanité », est farouchement opposé à ce conflit qui se prépare. Il déclare « la guerre à la guerre » et est considéré comme un traître par les « revanchards », nationalistes et monarchistes. Il reçoit des menaces de mort. Une semaine auparavant, Léon Daudet écrit dans « L’Action Française » : « En aucun cas nous ne souhaitons inviter quiconque à commettre un assassinat ; toutefois, que Jean Jaurès agisse avec prudence. »
Jaurès n’a pas spécialement ses habitudes dans ce restaurant situé à deux pas de son journal, l'Humanité, dans lequel il dîne avec des amis le soir de son assassinat. Pourtant, c’est ici que le journaliste et homme politique prendra son dernier repas.
Il s’installe dos à la rue, derrière le rideau qui protège la fenêtre. A 21 h 40, un journaliste s’approche pour lui montrer une photo. Jaurès se penche pour regarder. A ce moment, Raoul Villain, caché derrière un rideau au fond de la salle, tire et l’abat d’une balle dans la tête. « Ils ont tué Jaurès ! » crie une femme.
Son meurtre met un terme aux efforts désespérés qu'il avait entrepris depuis l'attentat de Sarajevo au mois de juin et surtout depuis la rupture des relations diplomatiques entre l'Autriche et la Serbie pour empêcher la déflagration militaire en Europe. Les Etats européens se trouvent progressivement entraînés par le jeu des alliances dans une nouvelle crise internationale. Jaurès sent monter cette tension, prend conscience de la gravité des menaces et tentera jusqu'au bout de s'y opposer jusqu'à sa mort même si le pessimisme le gagne.
A 52 ans, Jean Jaurès est la principale personnalité du mouvement socialiste français. Il est entré en politique en 1885 comme député républicain, admirateur de Gambetta et soutien du gouvernement de Jules Ferry. Très attaché à la défense de la patrie, il est cependant convaincu que les guerres sont provoquées par le choc des intérêts capitalistes et qu'il est du devoir de la classe ouvrière de s'y opposer y compris en utilisant l'arme de la grève générale.
A l'appel « Plutôt l'insurrection que la guerre ! » il rajoute « oui mais simultanément et internationalement organisée ».
Le journal « Le Temps » l'accuse de soutenir la thèse abominable qui conduirait à désarmer la nation, au moment où elle est en péril.
Depuis de longs mois, voire des années, la presse nationaliste et les représentants des Ligues « patriotes » (comme Léon Daudet ou Charles Maurras) s’étaient déchaînés contre les déclarations pacifistes de Jaurès, mais aussi son internationalisme, et le désignaient comme l’homme à abattre, en raison également de son engagement passé en faveur d’Alfred Dreyfus.
Maurice de Waleffre écrit dans L’Écho de Paris du 17 juillet 1914 :« Dites-moi, à la veille d’une guerre, le général qui commanderait […] de coller au mur le citoyen Jaurès et de lui mettre à bout portant le plomb qui lui manque dans la cervelle, pensez-vous que ce général n’aurait pas fait son plus élémentaire devoir ? »
Les déclarations de ce type abondent dans les semaines précédents sa mort. Mais les outrances écrites ne font que dissimuler une montée progressive du nationalisme dans l’opinion, ce que Jaurès et les socialistes semblent n’avoir pas voulu reconnaître.
Conscient des menaces qui pesaient sur lui à la veille du premier conflit mondial, ce grand humaniste visionnaire a pourtant défendu jusqu’au bout ses convictions. Profondément pacifiste, son désir de réconciliation entre les peuples est perçu par ses ennemis comme une trahison. Les appels au meurtre furent lancés et entendus. Il est assassiné le 31 juillet 1914 (trois jours avant le début des hostilités), par un nationaliste, Raoul Villain, au Café du Croissant à Paris. C'est un adhérent de la Ligue des jeunes amis de l’Alsace-Lorraine, groupement d’étudiants nationalistes, partisans de la guerre et proche de l’Action française. Il est arrêté et déclare avoir agi en solitaire pour « supprimer un ennemi de son pays ». à la veille de la guerre. Il sera jugé déséquilibré après-guerre et acquitté. Il s’exilera aux Baléares en Espagne où il mourra pendant la guerre civile, tué par des républicains qui l’accusent d’être un espion travaillant pour Franco.
La guerre a finalement éclaté et la gauche française s'y est rallié en soutenant l'Union sacrée. Deux déceptions posthumes pour Jaurès! Les obsèques officielles organisées le 4 aout 1914, premier jour de la guerre, ont été sobres.
Dix ans après sa mort, les cendres de Jean Jaurès furent transférées au Panthéon, rejoignant ainsi les grands hommes de la patrie.
La première guerre mondiale s'est transformé en plus grande boucherie du 20ème siècle ! Elle n'aura résolu aucun des problèmes posés et a surtout préparé la suivante !
Mais c'est une autre histoire !