Par ses prises de positions récentes, Robert Ménard illustre jusqu’à la nausée sa propension à construire un récit en surfant sur l’actualité. Le 09 mars sur LCI il ose affirmer devant David Pujada : « J’ai dit, écrit, publié un certain nombre de choses par exemple au moment des combats en Syrie et en Irak et l’arrivée des réfugiés chez nous, que je regrette, que j’ai honte d’avoir dit et fait... »

Hier partisan du grand remplacement, il se reconstruit aujourd’hui une image sur le dos des réfugiés ukrainiens qui fuient la guerre. Que fera-t-il demain ? Il continuera tant que les micros et les télés seront grands ouverts à ses discours et ses prises de position. Il n’est membre d’aucun parti, n’a aucun mandat électif national, n’a aucune autre responsabilité politique que celle d’être le maire et le président d’une agglomération de taille moyenne. Quel est le maire d’une ville de 70000 habitants qui passe aussi souvent sur LCI, France Inter et consorts ?

Robert Ménard est en fait exactement dans la même position que tous les « bien-pensants » qu’il fustige à longueur de journées : donneur de leçons sans avoir à en assumer les conséquence concrètes. Ne nous méprenons pas, il a beau dire dans une phrase sur deux qu’il connaît bien la réalité de SA ville, celle-ci n’est qu’un prétexte pour diffuser son idéologie à l’échelle nationale. Dans cette entreprise, Béziers compte bien peu car elle n’est pas le terrain sur lequel il s’investit : elle est un simple tremplin vers les infos nationales. Quand est-ce que les médias se rendront compte que Robert Ménard passe son temps à les utiliser pour diffuser son idéologie raciste ? Robert Ménard est un populiste et rien ne l’arrêtera jamais pour légitimer son idéologie de haine et de violence. Détails :

  1. Le 12 septembre 2015, en pleine guerre en Syrie, M. Ménard, écharpe bleu-banc-rouge à l’épaule, se présente dans un immeuble occupé par des réfugiés syriens qui ne bénéficient d’aucune prise en charge officielle de la part de la France en leur demandant de quitter Béziers. Il se fait filmer en affirmant à une personne réfugiée : « Vous n’êtes pas le bienvenu dans cette ville ».
  2.  Le 15 Septembre 2015, le numéro 19 du Journal de Béziers publie un long dossier sur les demandeurs d’asile à Béziers. En couverture, on aperçoit des familles de réfugiés tentant de monter dans un wagon sur lequel est inscrit «Béziers 3885 km» et un autre mentionnant «scolarité gratuite, hébergement et allocations pour tous». Nous pouvions y lire notamment un article intitulé « Bienvenue en cadastrophe (cada= centre d’accueil de demandeurs d’asile, ndr) tout le monde entre (presque) personne ne repart » qui précisait : « Béziers accueille déjà beaucoup de réfugiés, nous avons deux centres pour demandeurs d'asile. La ville n'a pas les moyens d'accueillir de nouvelles personnes, surtout si elles ont vocation à rester par la suite, puisque l'État ne fait pas appliquer la loi en reconduisant à la frontière ceux qui doivent l'être ». Étaient notamment stigmatisés « les dirigeants à courte vue ne cherchant pas plus loin que le bout de leur mandat et leur désir pressant d’être réélu ».
  3.  Le 15 octobre 2016, le numéro 43 du journal de Béziers abordait à nouveau la question avec un article intitulé : « pourquoi nous ne voulons pas des migrants ». À cette période, l’association La Cimade, rencontrant de difficultés pour accueillir des personnes réfugiées (dont des Ukrainiens...) souhaitait louer un immeuble rue Estienne d’Orves à Béziers. C’est à cette occasion que Robert Ménard fait placarder dans toute la ville des affiches représentant des migrants à capuche devant la cathédrale de Béziers avec ce message : « ça y est ils arrivent dans le centre de Béziers… ». Cette campagne publicitaire contre l’action de La Cimade en faveur de d’accueil des réfugiés a eu l’effet escompté : impossibilité de louer l’immeuble, propriété de l’évêché qui s’est rétracté devant cette réaction. Le discours a aussi entraîné quelques effets collatéraux : des messages haineux (certains appelant à brûler le centre de La Cimade) non modérés sur le compte Facebook de la Ville de Béziers. 

    La même association La Cimade avait envisagé en 2014 de redonner vie au bâtiment « Montibel » (impasse Sainte Ursule à Béziers) pour en faire un centre d’accueil de réfugiés, perpétuant l’objet social de ce lieu qui a longtemps été un Foyer de Jeunes Travailleurs. Les pressions de M. Ménard ont empêché ce projet. Aujourd’hui, après les avoir préemptés soit-disant pour en faire une école, Monsieur Ménard vient de céder ces locaux à un promoteur immobilier privé.

  4.  À l’heure où nous écrivons ces lignes figurent dans la ville de Béziers des affiches intitulées NostAlgérie présentant un concert du chanteur Jean-Pax Méfret qui vient rassurer par sa musique, les nostalgiques de l’Algérie française et de l’OAS… Est-ce vraiment propice à une administration pacifique d’une commune ?

  5.  Enfin, dans la même veine, Robert Ménard vantait en février 2015 les mérites de l’armement de la police municipale à travers des affiches placées dans toute la ville. Le message a été bien compris puisque le 08 avril 2020 le biterrois Mohamed Gabsi décédait suite à un contrôle de cette même police municipale exactement dans les mêmes circonstances que Georges Floyd aux États-Unis… LCI ne s’en était pas fait l’écho à l’époque. La famille de la victime attend aujourd’hui les messages de regret de Robert Ménard et aimerait sans doute savoir si, là-aussi, « il y a des choses qu’il ne refera plus... »

Nous constatons donc que le repenti, s’il est louable, cache mal le primat donné à la communication sensationnaliste plutôt qu’à une action sincère et concrète d’hospitalité et d’accueil. Il est un peu trop facile de dire qu’on a eu tort pour ne pas passer pour un guignol médiatique devant l’élan de sympathie que suscitent les réfugiés ukrainiens. Curieusement ce mea culpa mis en scène intervient au coeur d’une élection présidentielle dans laquelle il essaie de se donner un rôle.

Reconnaître ses erreurs c’est d’abord accepter de les réparer. Toutes ces campagnes publicitaires ont été financées sur le budget municipal, argent public sûrement utile dans d’autres actions moins « honteuses » comme par exemple :

  •  Aider concrètement les associations qui travaillent auprès des réfugiés sans faire de distinction entre les nationalités et les religions des personnes.
  •  Ouvrir des logements sociaux pour des familles, notamment aux réfugiés syriens humiliés par son action de 2015 et qui pour certains d’entre eux sont toujours en attente de logement six ans plus tard!
  •  Arrêter de diffuser des discours de haine, de falsification de l’histoire et de racisme. Cette action serait sans doute beaucoup plus importante pour valoriser la tradition d’accueil de Béziers que d’envoyer des couvertures en Pologne.
  •  Avoir des mots de compassion pour la famille de Mohamed Gabsi, décédé des suites d’une bavure de la police municipale galvanisée par les discours de son premier magistrat.

 Quant à une certaine presse, nous attendons ses messages de regret d’avoir permis depuis 2014, date d’élection de Robert Ménard, la diffusion d’une idéologie d’extrême-droite sans s’intéresser aux faits.