Dix ans avant mai 1968, mai 1958 fut une sorte de mai 68 à l’envers.

Depuis le début de la guerre d’indépendance en Algérie ( novembre 1954 ), en France, la quatrième république est en état de choc démocratique.

Le 8 mai 1958, le président de la République, René Coty, désigne un énième président du conseil, Pierre Pflimlin, pour conduire une politique gouvernementale erratique marquée au fer rouge par la décolonisation subie ou forcée.

En pleine guerre d’Algérie, Pflimlin est favorable à une reprise des pourparlers avec le FLN algérien dans le but d’obtenir un cessez-le-feu.

Ce changement d’orientation gouvernemental provoque la colère du ministre-résident en Algérie, Robert Lacoste qui dénonce : « Un Diên Biên Phu diplomatique en préparation ». Dans les jours qui suivent, la population européenne algérienne est mobilisée par des activistes d’extrême droite et les réseaux gaullistes.

Le 13 mai, jour de l’investiture de Pflimlin à Paris, un coup d’État est mené à Alger à l’initiative des activistes et des gaullistes. Le siège du gouvernement est investi par les manifestants. Les généraux Massu et Salan fondent un Comité de salut public pour pérenniser l’Algérie française.

Ce comité exige la création, en France, d’un gouvernement d’exception.

Malgré ce chantage insurrectionnel, l’Assemblée nationale accorde le 14 mai à Paris sa confiance au gouvernement Pflimlin. Ce gouvernement se fixe pour tâche de condamner la torture en Algérie et de négocier avec le FLN. Parallèlement, le président Coty ordonne sans succès aux militaires en Algérie de rester sous l’autorité de son gouvernement.

Le 15 mai à Alger, le général Salan et le Comité de Salut Public choisissent de se rallier aux réseaux gaullistes. Ils lancent un tonitruant « Vive de Gaulle ! » qui ouvre la voie à la reconquête gaulliste. Dans un numéro millimétré, de Gaulle, depuis la France se déclare prêt à assumer les pouvoirs de la république.

Le 16 mai, l’Assemblée nationale instaure l’État d’urgence. Les pouvoirs spéciaux en Algérie sont renouvelés.

Le 19 mai, de Gaulle indique que s’il est amené à se voir déléguer des pouvoirs exceptionnels, cela ne pourra se faire « suivant la procédure et les rites habituels ».

À partir du 21 mai, de nombreux parlementaires annoncent leur ralliement à de Gaulle. En invoquant un risque de putsch militaire sur le continent ils proposent à la place un homme et un État forts.

À partir du 24 mai, des Comités de salut public sont constitués en Corse pour exercer une pression supplémentaire sur le gouvernement légal et sur Coty.

Le 27 mai, de Gaulle déclare « J’ai entamé le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement républicain ». Ce faisant, assuré du soutien de l’armée, il court-circuite les instances républicaines en place.

Face au chantage d’une « dictadura » ou d’une « dictablanda », Coty, charge les présidents des deux Assemblées de prendre contact avec de Gaulle sur les conditions de son retour au pouvoir.

Le 28 mai, Pflimlin et son gouvernement démissionnent. Une manifestation antifasciste est très tardivement organisée à Paris. La gauche compromise dans la guerre en Algérie a assisté sans quasiment rien faire à l’instauration d’une « dictablanda » en France.

Le 29 mai, Coty, exprime son intention de faire appel à de Gaulle pour constituer un gouvernement.

Le 1er juin, l’Assemblée nationale accorde sa confiance au gouvernement formé par de Gaulle.

Le 2 juin le nouveau président du conseil obtient les pleins pouvoirs de l’Assemblée pour 6 mois avec pour mission l’élaboration d’une nouvelle constitution.

Le 3 juin la quatrième république est caduque.

Le 12 juin de Gaulle cumule les postes de président du Conseil et de ministre de l’Algérie.

Le 4 septembre, de Gaulle présente la nouvelle constitution. Elle accroît considérablement les pouvoirs du président de la République.

Le 28 septembre, référendum sur l’approbation de la Constitution de la cinquième république. Le oui l’emporte par 82,6 % des voix.

Le 4 octobre, la cinquième république est promulguée, nous continuons de subir sa gouvernance autoritaire est antidémocratique. Née d’un coup d’État institutionnel, la cinquième république porte en elle les germes d’une dérive autoritaire du pouvoir.

( Pour une lecture ludique et néanmoins fidèle du putsch d’Alger en mai 1958 je vous conseille la BD « un général, des généraux », de Boucq et Juncker aux éditions le Lombard )