« Les bas-fonds se sont armés de revolvers et de poignards, de fusils et de grenades. Aux bas-fonds se sont unis les jeunes des écoles, imprégnés d’un romantisme belliqueux, la tête remplie de fumées patriotiques, qui voient en nous autres socialistes des ‘’Allemands’’. »                                                                                                                                                                                                                                                                                                         Mars 1919 : Giacinto Menotti Serrati, leader de l’aile maximaliste du Parti socialiste italien

Le 23 mars 1919 à Milan, place du saint sépulcre, le premier rassemblement des « faisceaux de combats », que le ‘’Popolo d’Italia’’ annonce à grand fracas pendant plusieurs semaines en le qualifiant de rendez-vous fatidique, doit se dérouler au théâtre Dal Verme d’une capacité de 3000 places.

Par crainte du ridicule les organisateurs se décommandent.

Les 100 personnes présentes se sont repliées sur la salle de réunion du cercle de l’Alliance industrielle et commerciale.

La présidence de l’assemblée est confiée à Ferrucio Vecchi ancien capitaine des commandos de choc italiens « les Arditi ».

Le secrétariat du mouvement revient à Attilio Longoni ancien syndicaliste révolutionnaire. Les autres cadres sont pris au hasard parmi les occupants les plus bruyants des premiers rangs.

La plupart des présents sont d’anciens combattants membres des troupes de choc des « Arditi ». Ils sont experts dans le maniement des armes à feu et des armes blanches. Le retour à la normalité de la vie civile dévoile des hommes violents, des fanatiques incapables d’y voir clair dans leurs propres idées, des survivants qui se voyant en héros destinés à la mort, confondent une syphilis mal soignée avec un signe du destin.

Ce sont ces hommes que Mussolini a choisis pour créer les « faisceaux de combat ». Ces individus qui s’en vont à l’assaut de la vie comme un commando, ces criminels, ces oisifs, ces schizophrènes, ces laissés pour compte.

Le 24 novembre 1914, le jour de son expulsion du parti socialiste son nom est maudit par les congressistes de la salle de la société Humanitaire.

En cette fin de première guerre mondiale, les « foules rouges » pressentent l’imminence de leur triomphe. En l’espace de six mois, trois empires, ayant gouverné l’Europe pendant six siècles s’effondrent.

L’épidémie de grippe espagnole a déjà contaminé des dizaines de milliers de personnes.

La semaine dernière la troisième internationale s’est réunie à Moscou. De Moscou à Mexico, sur tout le globe terrestre, une nouvelle ère s’ouvre, celle de l’irruption des masses.

Ici, dans ce théâtre milanais il y a moins de 100 personnes. Mais cela importe peu, leur enthousiasme est une forme suicidaire de désespoir. Ils sont avec les morts de la grande guerre qui répondent par millions à l’intérieur de cette salle à moitié vide.

 

(Extraits de lecture du livre d’Antonio Scurati « M l’enfant du siècle » éditions Les Arènes)

A partir de cette semaine, chaque mardi, vous avez rendez-vous avec les évènements qui ont fondé le fascisme en Italie le siècle dernier

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