Parmi les entreprises visées par le projet de loi du gouvernement, intitulé « mesures d’urgence pour accélérer les projets d’énergie renouvelable et les projets industriels nécessaires à la transition énergétique » figurent les activités économiques considérées comme durables sur le plan environnemental au sens de l’article 3 du règlement 2020/852 du Parlement européen.
Quels sont les critères de durabilité énoncés par ce règlement ?
L’activité doit contribuer à l’une de ces missions : l’atténuation du changement climatique, l’adaptation au changement climatique, l’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines, la transition vers une économie circulaire, la prévention et la réduction de la pollution, la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.
Jusque là tout va bien mais ça se gâte un peu quand on regarde en détail ce que le Parlement européen entend par là.
On prendra trois exemples
Une activité économique pour laquelle il n’existe pas de solution de remplacement sobre en carbone réalisable sur le plan technologique et économique est considérée comme apportant une contribution substantielle à l’atténuation du changement climatique lorsqu’elle favorise la transition vers une économie neutre pour le climat. On remarquera que si la solution n’est pas réalisable sur le plan économique, autrement dit si ça coûte trop cher, on se contentera de favoriser la transition vers une économie neutre pour le climat. La contrainte n’est pas vraiment énorme pour bénéficier du « label » activité économique durable.
Pour ce qui de l’adaptation au changement climatique l’activité doit contribuer de manière substantielle à prévenir ou à réduire le risque d’incidences négatives du climat actuel et de son évolution attendue sur une population, la nature ou les biens, sans accroître le risque d’incidences négatives sur une autre population, une autre nature ou d’autres biens.
Ici la formulation est totalement incompréhensible : quel est cette autre nature qui pourrait être affectée par des incidences négatives ?
Enfin pour la transition vers une économie circulaire, il suffit par exemple que votre activité réduise au minimum l’incinération des déchets ou évite les décharges sauvages pour prétendre au label économie durable.
En clair le règlement du Parlement européen sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables qui définit les activités éligibles est un véritable fourre-tout qui peut accueillir à peu près toutes les entreprises.
Or ce sont ces entreprises qui au nom de cette nouvelle loi d’exception pourront passer en force au mépris des règlementations environnementales « trop contraignantes ».
La cible mise en avant du développement des EnR (Energies Renouvelables) est un leurre destiné à faire consensus mais c’est en fait la majorité des entreprises que l’on veut libérer des contraintes du droit environnemental.
Note concernant le soit disant retard du déploiement de l’éolien industriel terrestre en France :
Les trop longs délais pour la validation des projets de centrales éoliennes justifieraient le nouveau projet de loi « accélération de la transition énergétique » qui vise à bâillonner les citoyens qui s’y opposent.
La justification de ce projet liberticide repose sur deux contre-vérités.
En ce qui concerne les délais : selon une étude de World Wind Energy ils sont les mêmes en Suède, Pays-Bas, Italie ou Autriche qu’en France (7 ans). En Allemagne, pays souvent cité en exemple pour le développement des éoliennes, ils sont de 6 ans, juste une année de moins.
Et en ce qui concerne la responsabilité de ces retards ou des échecs de déploiement de l’éolien terrestre, c’est l’imprévoyance, l’inconséquence ou les tergiversations plus ou moins spéculatives des opérateurs qui souvent sont la véritable cause ; et pour info, 61% des recours en Occitanie sont du fait des promoteurs qui contestent des décisions préfectorales ou de justice en leur défaveur, bien sûr !
En tout cas, rien ne justifie de l’accélérer en bafouant davantage les droits des citoyens et de l’environnement déjà terriblement réduits. N’en déplaise à notre Première ministre.