L’implantation des centrales éoliennes en milieu rural, et en particulier sur les territoires désertifiés du Massif Central, a toutes les caractéristiques d’une entreprise coloniale dans les moyens employés pour s’imposer et dans le partage de la richesse produite.

Séduire ceux qui en profitent, ignorer ceux qui en pâtissent

La tactique récurrente consiste à d’abord prospecter des propriétaires terriens en plus ou moins grande difficulté financière (ils peuvent être privés ou publics comme l’ONF ou les communes) et leur proposer un prix au-dessus de celui du marché.

Ensuite il s’agit de rencontrer les chefs du village, le maire, seul ou avec ses gens de confiance. Devant la difficulté de boucler son budget et son absence d’imagination pour trouver des solutions, la redevance promise en convaincra plus d’un.

Avant d’informer la population, on prendra soin de faire le tour des associations qui font l’opinion ou qui risquent de regimber (les éoliennes ça dérange un peu le gibier, tout le monde le sait).

On promettra donc quelques deniers pour une salle de découpe aux chasseurs ou un balisage de sentier pour des marcheurs (l’équivalent des verroteries d’antan).  Enfin on réunira les gens en prenant soin de repérer les réfractaires.

Des procédures d’autorisation vidées de leur contenu

Ensuite rien que de très banal : une enquête publique avec un commissaire qui trouve que 80% d’opposants ce n’est pas beaucoup (« il n’y a qu’eux qui se déplacent »).

C’est vrai que les seuls favorables, en sus des élus, sont les propriétaires des terrains et les employés des sociétés de BTP et de déforestation qui vont couler le béton et faire les pistes de 10 mètres de large.

Et donc après quelques aller-retours des opposants devant la justice administrative pour tenter de faire annuler le permis de construire, face à des industriels bardés de cabinets d’avocats, le chantier voit le jour avec son ballet de toupies, ses ferrailles, ses défrichements sauvages pour permettre le transport des énormes éoliennes sur de petites routes qui ne sont pas faites pour ça ; mais le promoteur régularisera a posteriori ces atteintes non déclarées à l’autorité environnementale… pas de problème.

Un partage léonin de la richesse

Alors l’exploitation commence ; la richesse ruisselle des mats de 125 mètres et la conséquence logique de la stratégie d’implantation se traduit dans les chiffres.

Si l’on prend l’hypothèse d’une éolienne de 2 MW produisant 2628 heures (ce qui, sur nos montagnes, semble être une hypothèse raisonnable) nous avons un produit de 430 992€ par an, soit 2628 h x 82€/MW/h (prix d’achat garanti) x 2MW - (1).

Le cabinet Poyry, lui, chiffre le prix de revient du MW pour ce nombre d’heures à 70€/ MW soit 367 320€ par an.

Ce prix de revient prend en compte l’ensemble des coûts y compris la rémunération des fonds propres investis, le remboursement des emprunts, la maintenance, les redevances et la fiscalité.

Le bénéfice se monte donc à 63 672€ pour une éolienne de 2MW fonctionnant 2628 heures par an.

Pour les actionnaires - ou l’actionnaire unique, car la plupart du temps, il n’y a qu’un actionnaire principal : le groupe qui a créé la filiale - à ce bénéfice s’ajoute la rémunération des fonds propres qu’il a déjà perçue en amont.

Ceux-ci se montent en moyenne à 26 % de l’investissement soit, pour une éolienne de 2MW d’un coût de 2 800 000 €, un montant de 728 000€.

En prenant l’hypothèse moyenne de rémunération évoquée par le cabinet Poyvry, à savoir 8 %, cela nous donne 58 240€.

Nous avons au total un rapport de 63 672 + 58 240 = 121 912€ par éolienne de 2MW et par an pendant 15 ans. À l’issue de ces 15 ans, le bénéfice augmente significativement, la dette étant remboursée.

Ce chiffre est à rapporter aux miettes distribuées aux communes et intercommunalités.

En effet, dans le même temps le bloc communal aura touché 15 200€ par an et par éolienne, soit au bout de 15 ans 228 000€  alors que le promoteur aura gagné 1 828 680€ et la banque environ 300 000 d’intérêts et frais financiers.

Contournement des processus de délibération locaux, « achat » du consentement des populations, partage inégal des richesses produites, cela ressemble fort à du néo colonialisme.

(1) Rendement financier des éoliennes industrielles calculé d’après les données du rapport du cabinet Poyry pour France Énergie Éolienne (novembre 2016)

 

 

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