Aux deux extrémités de la méditerranée, en Espagne et en Égypte, se dessinent des conflits de l’eau. Avec le réchauffement climatique, ils transforment cette mer en cocotte-minute.
La méditerranée est une mer quasiment fermée, qui amplifie les problèmes liés au réchauffement climatique :
- Le réchauffement climatique réchauffe ses eaux en surface au risque de provoquer de violents épisodes cévenols (comme celui de Valence),
- La désertification accrue de ses rivages, au nord, au sud et à l’Est peut entraîner une inhabitabilité.
Face à ces certitudes scientifiques, les sociétés humaines qui vivent dans son pourtour devraient engager des politiques de sobriété. Ce n’est pas le cas. À l’inverse, des conflits de l’eau sont en gestation dans ses deux extrémités.
En Espagne, 80 % du territoire est soumis à des périodes de sécheresse qui se sont accrues avec le changement climatique. Malgré cela, l’Espagne reste l’un des premiers consommateurs d’eau en Europe pour alimenter ses 4 millions d’hectares de surface d’irrigation et les presque 5 millions de touristes qui arrivent chaque année en période estivale.
Pour favoriser cette politique de développement, l’Espagne a misé sur les barrages. Entre 1950 et les années 2000, elle a doublé sa capacité de stockage d’eau.
Aujourd’hui, l’Espagne retient la moitié des écoulements naturels des fleuves et rivières dans des barrages.
Juridiquement, l’État espagnol est responsable de la planification centrale de l’eau. Mais, parallèlement, les grands bassins versants des fleuves couvrent le territoire de plusieurs communautés autonomes (comme la Castille et la Catalogne pour l’Èbre).
Avec le temps les intérêts de ces communautés autonomes sont devenus divergents, y compris, au sein d’un même parti politique.
Ces tensions ont connu leur apogée avec la construction d’un transfert d’eau entre le Tage et le Ségura, orchestré par le gouvernement central espagnol.
Cet ouvrage de près de 300 km permet à l’eau du Tage de transiter de la Castille vers les régions d’Alicante, Murcie et Almeria.
Dans ces régions se concentrent 40 % de la production de fruits et légumes frais de l’État espagnol. Ils sont orientés à 90 % vers l’exportation.
Aujourd’hui, les conflits de l’eau interrégionaux sont patents en Espagne. Ils peuvent favoriser une sorte de balkanisation du pays avec l’exacerbation d’intérêts différents liés à l’accès à l’eau.
De l’autre côté du bassin méditerranéen, un conflit armé au sujet de l’eau va peut-être naître entre l’Égypte et l’Éthiopie.
L’Éthiopie a décidé de construire unilatéralement un barrage gigantesque sur le Nil qu’elle appelle « Renaissance ».
Ce barrage hydroélectrique situé sur le Nil bleu en Éthiopie est au cœur d’un conflit régional entre 3 pays voisins l’Égypte, l’Éthiopie et le Soudan.
Ce barrage a bien sûr un aspect vital pour l’Égypte qui dépend totalement du Nil pour l’agriculture et l’irrigation.
Sa construction rompt avec les accords de 1929 et 1959 qui concevaient / considéraient le fleuve comme une entité commune.
L’Égypte craint que le remplissage et l’exploitation du barrage réduisent considérablement le flux d’eau du Nil. L’Éthiopie vise de son côté à tripler sa production d’électricité.
Actuellement les négociations sont gelées entre les trois États.
La réduction des surfaces agricoles et la perte de près d’un million d’hectares pourraient signifier le déplacement de 2 millions de familles et une chute de 12 % de la production agricole, entraînant un déficit alimentaire de 5 milliards de livres égyptiennes.
Pour faire face à cette situation, le gouvernement égyptien a décidé la multiplication d’usines de dessalement.
Dessalement de l’eau de mer qui est dans une phase exponentielle autour du bassin méditerranéen.
Entre maintenant et 2028, 43 milliards de dollars vont être dépensés en investissement dans tous les pays de la méditerranée (29 milliards en Afrique du Nord et au Moyen-Orient).
Dans le monde, 95 millions de M3 d’eau sont dessalés chaque jour ce qui entraîne des émissions de gaz à effet de serre équivalentes à 100 millions de CO2, et des rejets massifs de saumure.
Pour prétendre inverser cette course suicidaire, il faut remettre en cause la politique de l’offre.
Si elle est maintenue, elle augmente la demande.
À l’inverse, il faut mettre en place une politique de gestion de la demande.
Les tensions locales, nationales et internationales liées au partage de la ressource en eau sont trop présentes pour les nier.
À l’échelon local, la façade méditerranéenne française consomme beaucoup d’eau pour l’irrigation et le surtourisme alors qu’elle va être soumise à la sécheresse.
La marge de manœuvre pour s’adapter et pour réduire les prélèvements se réduit.
Il va falloir agir vite, de manière forte et synchronisée.
Pour cela, les politiques publiques auront un rôle central à jouer. Il faut organiser le choix de la sobriété !