Qui aurait pu imaginer qu’à Saint-Laurent-de-Cerdans, qui n’est relié par aucune route avec l’Espagne, cheminant sept heures dans les montagnes, passeraient une quarantaine de mille réfugiés.
Le point de passage de la frontière est situé à Coustouges, qui n’est accessible qu’à pied ou à cheval.
Les différents fronts de Catalogne ( Solsona, Garraf, Manresa ) étant rompus, les unités militaires républicaines se replient en masse. Dès le 26 janvier 1939 un barrage de gendarmerie est installé. Comme partout il est levé le 28 janvier. Les miliciens sont désarmés et restaurés à la salle de bal de l’Union Sandalière qui est transformée en réfectoire. Ils sont ensuite évacués vers Arles-sur-Tech.
La confection d’espadrilles faisait de Saint-Laurent un village à forte tradition ouvrière. Les travailleurs laurentins avaient choisi de s’organiser en coopérative ouvrière qui donne naissance en 1923 à l’Union Sandalière.
Les locaux de cette coopérative vont accueillir les réfugiés pour les nourrir et les soigner. Une infirmerie est aussi organisée dans l’usine.
Le village d’en bas (El Moli) celui des travailleurs et des usines est par nature et tradition enclin à la solidarité. Le village d’en haut (El Castell), mu par des sentiments chrétiens ne sera pas de reste.
Si du côté de l’Union Sandalière il est difficile de détacher un nom, du côté de l’église un nom est à retenir, celui de l’Abbé Bousquet. Nommé curé de la paroisse depuis 1935, il va se dévouer dès les premiers jours de l’exode. Il transforme la colonie de Notre-Dame de la Sort en un hôpital de 100 lits puis, au plus froid de l’hiver, il abritera les hommes du camp voisin dans la chapelle et l’église paroissiale.
Malgré les efforts de tous, Saint-Laurent ne peut héberger les milliers de réfugiés que les autorités s’efforcent de retenir dans l’attente de solutions à l’encombrement des camps du littoral.
Vers le 12 février, les arrivées sont plus clairsemées et annoncent la fin de l’exode. Il n’y a plus que les combattants qui entrent. Les femmes, les enfants et les vieillards, arrivés les premiers, ont été évacués vers l’intérieur via Arles-sur-Tech.
Les blessés et les malades sont toujours accueillis à N.D de la Sort, à l’Union sandalière et à l’hospice situé en face de l’église.
C’est aux environs du 15 mars que les derniers réfugiés seront évacués.
L’exode des Républicains espagnols a marqué la vie de Saint-Laurent au point d’en garder le souvenir en abritant dans les locaux de l’ancienne Union Sandalière le seul musée de la Retirada des Pyrénées-Orientales.
Ce texte est un extrait de lecture du livre de Serge Barba « De la frontière aux barbelés, les chemins de la Retirada 1939 » édité aux éditions Trabucaïre en 2017. Je vous en recommande vivement la lecture.