Ironie du sort, Cerbère est le nom du chien à 3 têtes qui, dans la mythologie grecque, garde la porte des enfers.
Pendant la Retirada, la ville de Cerbère a elle aussi été la porte de sortie de l’enfer franquiste.
Fin janvier 1939, malgré les bombardements incessants des routes et des voies ferrées qui mènent à la France, ce sont des dizaines de milliers de civils qui se dirigent vers le poste -frontière de Cerbère fuyant les franquistes.
Dans un premier temps la frontière est fermée sur ordre des autorités françaises.
Un flot de femmes, d’enfants et de vieillards se concentrent dans les tunnels qui mènent à Cerbère. Ils y attendent l’ouverture de la frontière le 28 janvier 1939.
D’autres réfugiés empruntent la route par le col des Balitres.
Le chef de brigade des douanes de l’époque fait dans ces « journées angoissantes », un rapport adressé à sa hiérarchie qui commence ainsi : « L’exode a commencé le 28 janvier 1939. Dès les premières heures, une population affolée s’est présentée à l’entrée du tunnel ferroviaire international et au poste de Cerbère route du col des Balitres. 35 000 personnes comprenant en grande partie des enfants, des femmes, des vieillards, ont été canalisées par les services d’hébergement de la gare de Cerbère. »
Les arrivées s’effectuent aussi par mer.
Quelques jours plus tard, la frontière est ouverte à tous les réfugiés comme le précise le rapport du chef de brigade des douanes de Cerbère : « Dès le 7 février, les éléments de l’armée de Catalogne ont franchi la frontière française. Jusqu’au 10 du même mois, date à laquelle l’exode a pris fin, 45 000 hommes se sont présentés avec armes et bagages. »
Heureusement, les agents des douanes ne se sont pas intéressés qu’au matériel.
Ils sont aidés dans leur tâche par le maire M Cruzel. La ville de Cerbère, dans son ensemble, a manifesté beaucoup de solidarité. La création du Centro Espagnol en 1937 en témoigne.
Une plaque commémorative rappelle ces moments en gare de Cerbère : « Du 28 janvier au 10 février 1939, plus de 100 000 républicains espagnols, hommes, femmes et enfants sont passés par ce tunnel et cette gare de Cerbère, poussés à l’exil après avoir lutté pendant 3 ans contre le franquisme. Ce furent les premières victimes de la Deuxième Guerre mondiale. »
Ce texte est un extrait de lecture d’un livre de Serge Barba « De la frontière aux barbelés, les chemins de la Retirada 1939 », édité aux éditions Trabucaïre en 2017.