Dans un chapitre de son livre, intitulé : « l’impasse d’une stratégie », Grégoire Chamayou, mesure les effets des réformes engagées par les libéraux autoritaires en Allemagne. La comparaison avec notre actualité est frappante.

En 1932, les orientations économiques et politiques de Schmitt sont appliquées depuis plus de 2 ans par le régime présidentiel allemand. Pourtant ce même Schmitt continue de dénoncer le règne d’un parlementarisme tout puissant qui serait la cause des malheurs de la nation.

Dans la réalité, au crépuscule de la république de Weimar le tableau d’un État tombé sous le joug d’une démocratie excessive relève de la fiction.

Les descriptions catastrophiques de Schmitt sont une fiction politique qui vise à promouvoir la victoire totale des thèses libérales autoritaires.

Les juristes de gauche attirent eux l’attention sur la mise à l’écart du parlement au profit du gouvernement.

Ils pensent que le péril ne vient pas, comme Schmitt aime à le faire croire, d’une démocratisation excessive, mais au contraire d’un autoritarisme grandissant.

Le discours de Schmitt aux patrons allemands est un appel à la radicalisation du libéralisme autoritaire.

La logique politique de Schmitt est une logique « césariste ».

Le marxiste italien Gramsci caractérisait cette logique de « césariste et bureaucratique ».

Il évoquait un projet d’autonomisation répressive de l’appareil d’État au-dessus et contre une société organisée et divisée en partis, ou, pour reprendre les mots de l’antifasciste italien : d’un gouvernement agissant « comme un parti », tout en se plaçant « au-dessus des partis (. . .) pour les désagréger et pour avoir une force de sans-partis liés au gouvernement par des liens paternalistes de type bonapartiste et césarien ».

Gramsci nous dit que la stratégie des libéraux autoritaires consiste à dictatorialiser le pouvoir d’État de l’intérieur, sans prendre appui sur un parti de masse.

La carte de l’État contre les partis est aussi jouée parce que les partis du « bloc bourgeois » ont fondu comme neige au soleil.

Au moment où en France, Macron gouverne à coup d’ordonnances et où le parti référence du bloc bourgeois, LR, est en perdition. Le parallèle est tentant.

Pour Gramsci toujours, le talon d’Achille de ce libéralisme autoritaire est d’être dépourvu d’un soutien de masse.

N’ayant ni parti, ni mouvement, ni soutien populaire, il ne lui reste plus que l’État dans son plus simple appareil.

Dans une telle configuration, les options tactiques pour se maintenir au pouvoir sont limitées.

Il est possible de chercher à cisailler les forces oppositionnelles rivales en détachant des fractions à gauche et à droite. Il est possible de chercher à les agréger dans des coalitions trans partisanes.

Mais cela ne dure qu’un temps. À terme il faut construire un parti de masse ou leur laisser la main.

Les politiques économiques ultra libérales empêchent de construire un parti de masse. Chamayou, en liste les raisons :

  • Les politiques économiques vont à l’encontre des intérêts de 90 % de la population,
  • Le rétrécissement de son assise politique explique son raidissement autocratique,
  • La foi placée dans les ordonnances isole et déconnecte,
  • Pour être fort politiquement il faut susciter un assentiment large.

Pour toutes ces raisons, le libéralisme autoritaire apparaît comme une forme précaire, comme un moment transitoire. Il est appelé à passer la main : à gauche où à droite.

En 1932, Heller nous dit qu’une crise politique intense peut soit se muer en situation révolutionnaire, soit se muer en « communauté raciale autoritaire ».

Socialisme ou barbarie telle était et reste l’alternative.

 

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